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restaient en France. Il fallait négocier avec le roi, en faire un autre ou détruire la royauté. Ce dernier parti avait des chances pour les cœurs républicains ; et ce serait être injuste que de taxer d’inconséquence le mouvement que, dans les premiers instans, Lafayette et quelques-uns de ses amis se laissèrent surprendre. Il est très vrai que, chez La Rochefoucaud, Dupont de Nemours avait proposé de faire la république, et l’on savait bien que cette idée ne déplaisait ni au maître de la maison, ni à son ami. Mais cette pensée fugitive ne les avait pas empêchés de faire leur devoir en prenant les mesures qui dépendaient d’eux pour arrêter le départ du roi, signal de la guerre civile. Après avoir reconnu que la majorité de la nation et de ses représentans voulait rétablir le trône constitutionnel, et prévoyant sans doute les malheurs et les crimes que la chute de ce trône ne manquerait pas d’entraîner, ils soutinrent avec vigueur le parti que prit l’assemblée constituante.

On a blâmé les constitutionnels de n’avoir pas, à cette époque, complété la république. On pouvait douter alors, car la chose était susceptible d’argumens séduisans pour et contre ; mais il semble que la détermination de l’assemblée a été justifiée par la preuve subséquente que la nation a donnée, qu’elle n’était pas en état de faire ce pas de plus ; et que d’après ses habitudes, son ignorance et son caractère non encore corrigé par le nouveau régime, le reproche plus plausible que les hommes d’état pourraient faire aux constitutionnels, c’est d’avoir dès-lors plus républicanisé la France qu’elle n’était encore en état de l’être. Au reste, ceux-ci ne regardaient tout ce qui n’est pas la déclaration des droits que comme des combinaisons secondaires, et n’ayant aucune objection à ce que la force des choses détruisît la royauté si elle était incompatible avec les institutions démocratiques, puisqu’ils aimaient mieux la démocratie sans royauté que la royauté sans démocratie, il faut aussi reconnaître qu’ils avaient voulu établir une présidence héréditaire du pouvoir exécutif et en investir la branche alors régnante ; qu’ils avaient préféré Louis XVI à tout autre roi, qu’ils avaient sincèrement souhaité qu’il ne trahît pas et qu’il fût aimé, de manière qu’on ne peut pas les accuser de mauvaise foi envers leurs concitoyens. La nation aussi voulait une royauté héréditaire, mais