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MADAME DE PONTIVY.

Promettez que rien n’est accompli, supposez que rien n’est commencé. Redevenez Sylvie. Je veux reconquérir votre cœur ; je l’espère. Je veux remonter en vous pas à pas les degrés de mon trône. Je le ferai ; vous ne me reconnaîtrez plus ; ce sera un autre que vous croirez aimer, et ce n’est qu’à la fin, en comparant, que vous verrez que c’était bien le même. Laissez, je veux ressusciter en vous l’Amour, cet enfant mort qui n’était qu’endormi. » Elle écoutait avec charme et silence, et, soulevant du doigt, pendant qu’il parlait, la dentelle noire qui la voilait à demi, elle ne perdait rien de ce qu’ajoutaient les regards. « Oh ! permettez-moi, disait-il en lui tenant la main avec le respect le plus tendre, dites que vous me permettez de reprendre courage et de vous adresser mes timides espérances. Dites que vous tâcherez de m’aimer, et que vous me permettez de vouloir vous convaincre. » — « Eh bien ! je tâcherai, lui dit-elle avec une grâce attendrie, et je vous permets. À ce soir donc, chez ma tante. » Et elle s’échappa là-dessus, et courut à la petite porte qui donnait vers le couvent voisin, le laissant assez étonné de sa brusque sortie, et comme si, dans ce début nouveau qu’il implorait, elle essayait déjà les ruses des premières rencontres.

Elle n’eut pas à s’efforcer beaucoup ni à raffiner les ruses. La flamme revint naturelle, où l’ardeur n’avait pas cessé. Un peu plus d’attention, de volonté, s’y mêla sans doute de part et d’autre, mais pour unir tout et sans rien refroidir. Il reprit son assiduité chez Mme de Noyon, et partout où Mme de Pontivy alla durant cet hiver, il était le premier, en entrant, qu’elle y rencontrât, le dernier, à la sortie, qui la quittât du regard. Il l’entourait d’un soin affectueux, d’une fraîcheur de désir et de jeunesse, que son sentiment n’avait jamais connue d’abord dans cette vivacité, mais qu’une fois averti, il puisait avec vérité dans sa profondeur. Elle recevait tout avec une grâce plus clairvoyante, avec un sourire plus pénétré, qu’elle-même n’en avait témoigné autrefois dans les temps de l’aveugle ardeur. Il y avait un léger échange de rôles entre eux ; ils s’étaient donné l’un à l’autre quelque chose d’eux-mêmes qui s’entrecroisait dans cette seconde moisson ; ou plutôt ils arrivaient à la fusion véritable et parfaite des ames. Elle évitait pourtant de se prononcer encore. Aux premiers jours du printemps, ils allèrent à Sceaux pour une semaine ; la petite cour s’y