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NANTES.

de tendance au bien que de bien accompli. Cependant cette tendance déjà est un fait grave. La commune associée n’est point constituée, mais son germe existe, et grandira s’il plaît à Dieu et aux ministères[1].

Après avoir fait une large part à l’éloge, il faut faire la part de la critique. Ces efforts pour les améliorations positives, continués depuis cinq années, n’ont pas été sans inconvéniens. Uniquement préoccupées de ces changemens matériels, beaucoup d’imaginations actives ont mis en oubli tout le reste. On a pris en dédain la politique, c’est-à-dire les idées générales, comme si ce n’était pas après tout dans les idées générales que se trouvaient nos étoiles polaires et les points de rappel pour l’avenir. Du mépris pour les intrigues de certains hommes, on est passé au mépris des partis, ou, en d’autres termes, des opinions (car un parti n’est-il pas une opinion représentée ?) et, une fois arrivé là, on a fait nécessairement bon marché de ses anciennes convictions. Il faut donc l’avouer, beaucoup des hommes dévoués auxquels Nantes doit les progrès que nous avons signalés, n’ont plus de sympathies ni de répugnances politiques ; ils se rallient au pouvoir, par cela seul qu’il est le pouvoir, et qu’avec son appui ils accompliront plus facilement leurs généreux projets. Cette erreur, qui est évidemment née du saint-simonisme et que nous avons vu soutenir dernièrement par des gens habiles, qui, pour être chefs quelque part, voulurent proclamer un parti sans cocarde, appelé parti social ; cette erreur, à l’égard de laquelle nous pouvons être sévère, parce que nous l’avons partagée, est non-seulement fâcheuse pour le présent, mais menaçante pour l’avenir. Abandonner ainsi les opinions au profit de la pratique, n’est-ce point en définitive vendre le principe pour le fait, et proclamer la supériorité de la matière sur l’idée ? Peu importent au peuple, dites-vous, les discussions sur les droits et les devoirs ; ce qu’il lui faut, c’est du bien-être… Autant

  1. La Société industrielle de Nantes, fondée a l’imitation de celle de Mulhouse, dans un but de perfectionnement, n’a jamais pu prendre le caractère scientifique et utilitaire de celle-ci. En l’établissant, M. Camille Mellinet lui a imprimé ses tendances et l’a marquée, comme à son insu, au sceau de son cœur généreux. Cette admirable création a déjà produit beaucoup de bien, et en produira davantage, lorsque le pouvoir, en l’autorisant, lui aura conféré le privilége d’acquérir, de recevoir et de posséder. Mais, le croira-t-on ? malgré des sollicitations réitérées, on n’a pu obtenir, jusqu’à présent, du gouvernement, la reconnaissance de cette institution.