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REVUE MUSICALE.

Cependant, dans le premier cas, si vous échouez, reste la forme que le public aime, et qui le dédommage un peu de la faiblesse de votre pensée. Dans l’autre, la pensée et la forme tout vous appartient, tout vient de vous : comme on voit, la situation de celui qui écoute se complique d’autant plus ; en effet si votre pensée lui fait défaut, à quoi se rattachera-t-il ? or, votre pensée, c’est quelquefois un chef-d’œuvre, quelquefois aussi peu de chose, souvent rien. La musique de M. Niedermeyer abonde en traits ingénieux et charmans ; et c’est justement cette veine de motifs agréables, de phrases heureusement trouvées, qui fait que l’on regrette davantage chez le compositeur l’absence d’un sentiment poétique qui eût empêché tout cela d’avorter. Cette musique est toujours claire, toujours limpide ; on ne cesse pas un moment d’en voir le fond. Cela s’entend d’un bout à l’autre sans travail, mais aussi presque sans intérêt ; le plaisir ne s’élève jamais jusqu’à l’émotion.

Certes, la place était belle à prendre après ces effets gigantesques obtenus par l’art des combinaisons. Il y avait, à l’Opéra, un succès de contraste à tenter. La mélodie avait beau jeu à se produire en ce moment sur la scène. Il fallait se livrer à la mélodie corps et âme, sans arrière-pensée, comme a fait Bellini dans Norma. Tous ceux qui connaissaient quelque peu la nature du talent de M. Niedermeyer, croyaient sincèrement qu’il allait procéder de la sorte, quitte à ne pas réussir si les forces venaient à lui manquer. Pas du tout, il n’a pas même tenté l’entreprise. Impuissance ou parti pris, voilà qu’il embrasse on ne sait quel système de conciliation. Une mélodie débile, presque insaisissable sur un orchestre régulier, précis et ponctuel, mais parfaitement froid et borné. Ce qui semble avant tout le préoccuper, c’est l’idée de répartir toutes choses également : excellente idée, si la mesure dont il se sert n’était si petite et si mesquine. Sa musique se contente de raser le sol avec un bourdonnement plus ou moins agréable, sans jamais faire mine de vouloir s’élever. Ces accidens où l’inspiration dramatique d’un homme se révèle, ces situations sur lesquelles un maître concentre toutes ses forces pour frapper un grand coup, il y renonce d’avance, il est plus faible là que partout ailleurs. Sa petite verve s’évanouit, les phrases heureuses, qui ne manquent pas de lui venir çà et là dans les occasions indifférentes, l’abandonnent alors, et son orchestre même s’éteint sourdement. La musique de M. Niedermeyer est comme un lac uni et limpide, à la vérité, mais dont jamais le souffle de l’inspiration ne soulève en flots tumultueux la transparence monotone.

Le premier acte peut, à bon droit, passer pour le plus mélodieux de la partition. Dans cette atmosphère de sérénades et de barcaroles, le musicien se trouvait à son aise, et du commencement à la fin, elles se croi-