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soudain, il ne resterait que quelques rares individus dispersés sur le sol, les privilégiés.

iii. Quel but doit se proposer le peuple ? Il ne doit pas se proposer de se faire individuellement un sort meilleur ; car la masse resterait également souffrante et rien ne serait changé dans le monde ; non plus de substituer une domination à une autre domination : mais il doit se proposer de former la famille universelle, de construire la cité de Dieu, de réaliser par un travail ininterrompu son œuvre dans l’humanité.

iv. La sagesse consiste dans la connaissance et la pratique des vraies lois de l’humanité, et l’ensemble de ces droits est ce qu’on appelle droit et devoir. Le droit, c’est vous, votre vie, votre liberté. Mais la justice ne suffisait pas aux besoins de l’humanité. Une autre loi est nécessaire à sa conservation, et cette loi est la charité, qui est la consommation du devoir dont la justice est le premier fondement.

v. Le droit en ce qu’il a de primitif et de radical est inaliénable. Le droit de se conserver ou le droit de vivre implique le droit à tout ce qui est indispensable à l’entretien de la vie. Mais l’homme a deux sortes de vie, la vie du corps et la vie de l’esprit. La vie de l’esprit consiste dans la connaissance de la loi religieuse et morale et dans celle des lois de l’univers, et tous ont droit à cette connaissance.

vi. Comme l’individu, le peuple a le droit de vivre, le droit de se conserver, de se développer librement. Et maintenant qu’est devenu le droit du peuple en ce monde ? Le droit est violé dans le peuple, car le peuple est malheureux et ignorant. Sans doute, égaux en droits, les hommes ne possèdent pas des facultés égales ; mais ils doivent tous participer au bien général qui est le résultat des aptitudes diverses de l’humanité.

vii. Comme l’individu dont la souveraineté est inaliénable, le peuple est souverain ; car de la souveraineté de chaque individu naît dans la société la souveraineté collective de tous, ou la souveraineté du peuple, également inaliénable. Le souverain, c’est le peuple, essentiellement libre. Le pouvoir, qu’il soit exercé par un ou plusieurs, dérive de lui. Quand le peuple brise une domination inique, il ne trouble pas l’ordre ; il le rétablit, il accomplit l’œuvre de Dieu et sa volonté toujours juste.

viii. Les maux du peuple viennent des vices de la société, détournée de sa fin naturelle par l’égoïsme de quelques-uns, et jamais il ne sera mieux, tant que ceux-ci feront seuls des lois. La société ne doit être dans sa vérité que l’organisation de la fraternité. La loi