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prix. Hugues se rend, et soumet le prince musulman à un certain nombre de cérémonies symboliques, dont le sens est expliqué dans le poème, et dont le but est d’enseigner à Saladin les devoirs de la chevalerie. Hugues lui fait d’abord prendre un bain, que l’auteur compare au baptême, et dont le but est de purifier le nouveau chevalier, car comme dit énergiquement le poète :

Baigner devez en honnêteté,
En courtoisie et en bonté.


C’est donc en quelque sorte un baptême chevaleresque. Ensuite, on place Saladin sur un lit de repos, qui représente le paradis. Hugues fait remarquer que les draps de ce lit sont d’une blancheur éclatante, en signe de la pureté prescrite au chevalier ; puis il revêt le néophyte d’une robe vermeille, ce qui signifie, lui dit-il, que

Votre sang devez espandre
Et la sainte église défendre.

L’allocution est singulière, adressée à l’ennemi des croisés, mais elle montre à quel point l’auteur de ce petit poème est sous l’empire des idées ecclésiastiques. Après la robe vermeille on place aux pieds du récipiendaire des chausses brunes, et c’est pour lui rappeler qu’il mourra. Les vers qu’on lui adresse à ce sujet sont aussi lugubres que le terrible memento du mercredi des cendres ; c’est afin, lui dit-on, que vous ayez toujours en mémoire :

La mort et la terre où girez,
D’où vous istes et où vous irez.

Ensuite on lui enjoint l’observance de toutes les vertus chrétiennes. On lui recommande l’humilité, la pureté à plusieurs reprises, et enfin, après lui en avoir demandé la permission, on lui donne la colée. Puis vient un code abrégé des principaux devoirs du chevalier, qui sont au nombre de quatre : d’abord la loyauté, ensuite le dévouement aux dames, qui dans tout ce poème figurent peu, mais qui cependant y ont une petite place. Troisièmement, ce qui est plus dans le caractère du morceau, l’abstinence ; le chevalier doit jeûner et faire l’aumône ; il doit aussi entendre la messe chaque jour. L’auteur conclut par un précepte sur lequel il insiste particulièrement ; le chevalier ne doit pas oublier l’offrande :

Car moult est bien l’offrande assise
Qui en la table Dieu est mise,
Car elle porte grant vertu.