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ou de Régnier oserait seule désigner par son nom propre. Il répugne même de croire que cette corruption fût au nombre des ressorts que faisait jouer Madame pour mener à bonne fin la négociation qui lui était confiée. Son seul tort aura été de laisser faire ce qu’elle ne pouvait empêcher, ce qu’elle n’aura peut être su que lorsqu’il était trop tard ; mais qu’elle ait spéculé sur cette ignominie, c’est ce que nul n’a le droit d’avancer, si le fait n’est démontré par des preuves formelles, authentiques et irrécusables. Les termes de Bossuet s’expliquent très bien d’ailleurs dans le sens le plus pur et le plus digne, par l’idée que l’on a des agrémens d’un sexe qui n’est pas celui d’où sortent habituellement les négociateurs, par les agrémens personnels de Madame, et par la tendresse bien connue que le roi Charles II, son frère, avait pour elle ; tous moyens d’influence qui, pour être agréables, n’en sont pas moins compatibles avec une conduite honorable et à l’abri de toute insinuation maligne. Quant aux faiblesses, même de Madame, que M. Eugène Sue appelle des faits universellement connus ou pénétrés à cette époque, c’est ce que Bossuet n’avait pas à vérifier. C’est ce qu’un prêtre, un orateur chrétien pouvait et même devait ignorer ou couvrir du manteau de la charité, tant qu’il n’en trouvait d’autre garant que des bruits et peut-être des médisances de cour ; car voilà ce qu’étaient pour Bossuet des faits qui peuvent bien être de l’histoire avérée pour nous.

La guerre de Hollande, les pièces relatives à la bataille de South-Wood-Bay, où la flotte française n’apporta qu’une coopération fort équivoque, et enfin la mort si horrible et si triste des frères de Witt, complètent ce second volume.

Nous entrons maintenant dans la période la plus brillante peut-être de nos fastes maritimes. Le 7 juin 1673, jour anniversaire de la bataille de South-Wood-Bay, la flotte française se lave vaillamment des soupçons auxquels la politique de Louis XIV l’avait mise en butte un an auparavant. Deux mois après, la même politique lui ravit encore une bonne part de l’honneur qui devait lui revenir dans une nouvelle rencontre des forces combinées de France et d’Angleterre contre celles de Hollande, commandées par Ruyter. Mais l’expédition de Messine devait bientôt la mettre à même de conquérir la place qui lui appartenait parmi les puissances maritimes de l’Europe. Par suite de la haine jalouse qu’elle nourrissait contre Palerme, sa rivale, Messine, souvent agitée, secoua tout-à-fait, en 1674, le joug de l’Espagne, et se mit sous la protection de Louis XIV, qui soutenait alors la guerre contre cette puissance. Louis XIV s’empressa d’accorder des secours aux Messinois révoltés contre ses ennemis, et bientôt la ville s’étant donnée tout-à-fait à la France, M. de Vivonne, général des galères, y fut envoyé comme vice-roi. Tout le poids de cette guerre fut supporté par la marine, et tout l’honneur lui en revient ; car la mauvaise volonté de Louvois et l’incurie du vice-roi, plongé dans les sensualités où l’ensevelissait son goût pour la bonne chère, le jeu et les femmes, ainsi que la confiance qu’il avait dans l’influence de Mme de Montespan, sa sœur, ayant empêché la domination française de s’é-