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EXPÉDITION DE CONSTANTINE.

hostilités, ils allaient prendre à revers les assiégés dans tous les postes où ceux-ci tenaient tête à notre attaque centrale, et, les menaçant de leur couper la retraite, ils jetaient parmi eux l’épouvante et leur ôtaient toute force pour résister plus long-temps.

Enfin, une troisième compagnie de Zouaves, prenant une direction intermédiaire entre le rempart et la rue centrale, pénétrait de maison en maison, et contribuait à éteindre ou à éloigner le feu de l’ennemi sur la gauche de la grande attaque. Elle arriva ainsi à un vaste magasin à grains, où elle rencontra une résistance assez vive. L’opiniâtreté avec laquelle ce bâtiment était défendu fit supposer qu’il y avait près de là quelque centre d’action. En effet, après être entré de vive force dans ce poste, en passant sur le corps de plusieurs Turcs et Kabaïles, qui se firent tuer, on parvint, par des passages intérieurs et des escaliers de communication, à la porte d’une maison d’où s’échappait un bruit de voix et de pas annonçant qu’elle était fortement occupée ; et une saisissante odeur de parfums indiquait que c’était là sans doute l’habitation d’un personnage opulent et distingué. On ouvrit la porte, et avant qu’on n’eût eu le temps de reconnaître que toutes les galeries de l’étage supérieur étaient garnies de canons de fusil braqués sur l’entrée, il se fit une grande décharge de toutes ces armes. Le capitaine de la compagnie était en tête de la colonne entre un sous-officier et un soldat ; ceux-ci furent l’un tué et l’autre blessé, le capitaine seul ne fut pas atteint. Il referma la porte et la fit percer de trous, dont on se servit comme de créneaux pour tirer sur les défenseurs de la cour intérieure. Lorsqu’on remarqua que leurs rangs étaient éclaircis et leur résolution ébranlée par les balles, on fit irruption dans la maison. La plupart des ennemis s’échappaient ; quelques-uns seulement se battirent jusqu’au dernier moment et périrent les armes à la main. Ceux-ci paraissaient être des serviteurs de la maison, et ils étaient chargés d’or, qu’ils venaient de puiser sans doute au trésor du propriétaire. Une femme même, une négresse dévouée à ses maîtres, gisait parmi les cadavres, tuée d’un coup de feu, et encore armée d’un yatagan et d’un pistolet. On trouva dans un coin des appartemens un petit coffret plein d’or, que probablement on venait de tirer de sa cachette, et qu’on se disposait à emporter sous bonne escorte, lorsqu’on avait été surpris par l’attaque. Cette habitation était celle de Ben-Aïssa, le lieutenant du bey Achmet. Lorsque les vainqueurs l’eurent fouillée et reconnue, ils s’aperçurent qu’elle longeait, par une de ses faces, une rue pleine de combattans indigènes. C’était cette rue même d’où partait le feu si bien nourri, qui, arrivant sur la grande ligne d’opérations, y arrêtait la colonne des assaillans. Comme le foyer de cette fusillade était en arrière de la maison dont les Zouaves venaient de s’emparer, ceux-ci pratiquèrent une ouverture dans le mur de l’étage supérieur du côté de la rue, et, jetant par là les meubles, les coussins, les tapis, les cadavres qui se trouvaient dans les appartemens, ils formèrent, par cet amoncellement, entre les tirailleurs ennemis et la tête de notre colonne principale, une espèce de barrière par laquelle fut intercepté ce feu si incommode. Notre mouvement central