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LES CÉSARS.

Germanicus, de te révéler aux pères conscrits et de leur faire connaître le but de ton discours, car te voilà arrivé aux extrémités de la Gaule narbonaise ! » En effet, de la Gaule narbonaise, continuant son voyage, il passe dans la Gallia Comata, arrive à Lyon, et c’est encore à Lyon que nous lisons son discours gravé sur le marbre, et conservé dans la bibliothèque par les soins de la municipalité reconnaissante.

Les Gaulois furent donc admis au sénat ; et Tacite, qui abrège spirituellement ce discours, en a fait, sauf la pompe généalogique du début, un résumé plein de finesse et de vérité des accroissemens successifs de la cité romaine. Il y montre ce que les modernes, qui découvrent tant de choses anciennement connues, ont cru aussi avoir découvert, la flexibilité de ce principe en apparence immuable, la libéralité d’esprit de cette aristocratie qui semble étroite et avare, l’élasticité de ce pomœrium qui semble inflexible ; il y montre ce qui fit la puissance romaine et ce qui fait toute puissance au monde, le progrès avec l’unité, la tradition des siècles avec l’expérience de chaque jour, l’esprit de conservation et de développement à la fois, qui n’innove pas, mais renouvelle la largeur et la ténacité du principe qui se prête souvent et ne rompt jamais.

Claude eut encore une autre volupté d’antiquaire. Cet homme si friand des choses passées calcula qu’Auguste avait mal compté les siècles quand il avait célébré ses jeux séculaires, et, se jetant dans un dédale d’érudition dont l’histoire romaine de Niebühr, en son appendice sur le cycle séculaire, vous donnera quelque idée, il résolut que cette année-là même, soixante-trois ans seulement après les jeux d’Auguste, il devait les célébrer de nouveau ; c’est une petite joie qui certes lui était permise. Le héraut alla donc crier dans la place « Venez voir ce que vous n’avez jamais vu, ce que vous ne verrez pas une seconde fois. » C’était la formule, mais elle fit rire ; bien des vieillards avaient vu les jeux d’Auguste, et on entendit même sur le théâtre un acteur qui avait joué dans ces jeux.

Claude, si consciencieusement occupé à moraliser son empire, manquait de temps pour s’enquérir de la moralité de son palais. Qui ne connaît les vers dans lesquels, avec plus de vertu que de pudeur, Juvénal peint Messaline quittant, au premier sommeil de son mari, la couche impériale, et allant hors du palais, en capuchon et en perruque blonde, suivie d’une seule esclave, courir de nocturnes aventures, si je puis dire des aventures ? À cette impériale prostituée le désordre ne suffisait pas encore ; il lui fallait encore de l’amour : femme qui dans son bourbier se relève en quelque sorte par la hardiesse de