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ORIGINES DU THÉÂTRE.

à la tribu Pandionide, il y avait deux ans que cette tribu n’avait pu être représentée dans les concours annuels. Le mal s’aggrava sous la période macédonienne. À partir des successeurs d’Alexandre, la choragie cessa d’être une institution fixe et régulière. Elle reparut seulement dans les rares intervalles où d’heureuses circonstances permirent à Athènes de ressaisir l’ombre de ses anciennes lois. La plupart du temps ce n’était plus les particuliers, mais l’état qui faisait les frais des chœurs, comme il faisait, depuis Eschyle, les dépenses relatives aux acteurs et à la mise en scène. Dans deux inscriptions trouvées à Athènes, et qui se rapportent à la 129e olympiade, nous voyons le peuple (ὁ Δῆμος) remplir, par une fiction singulière, les fonctions de chorége et remporter le prix en cette qualité[1]. Il serait curieux de savoir qui le Δῆμος avait alors pour concurrent. On voit avec quelque surprise la choragie citée encore comme existante sous la domination romaine. Démétrius de Byzance, qui paraît avoir vécu du temps de Caton d’Utique, et Plutarque, un siècle après, parlent de la choragie ; mais il est probable que ces deux auteurs, surtout le dernier, désignent sous l’ancien nom de chorége le nouveau magistrat chargé de donner les jeux publics suivant l’usage romain.

À mesure que l’institution de la choragie perdit de sa force, et surtout à mesure que le sentiment religieux s’affaiblit à Athènes, la passion que les citoyens avaient eue pour figurer dans les chœurs se refroidit. Nous voyons, dans un discours d’Eschine et dans un plaidoyer d’Antiphon, qu’il fallut donner dès-lors aux choréges appauvris le droit de choisir dans leur tribu le nombre d’hommes et d’enfans qui leur était nécessaire. Le chorége pouvait même exiger des parens des gages qui lui répondissent de l’exactitude de leurs enfans.

« Je formai, dit le chorége pour lequel plaide Antiphon, la meilleure troupe qu’il fût possible, sans faire de peine à personne, sans enlever aucun gage de force, sans me faire haïr ; tout se passa de la manière la plus satisfaisante pour les deux partis. J’engageais les citoyens par la voie de la douceur à m’envoyer leurs enfans, et ils me les confiaient d’eux-mêmes sans que je fusse obligé de leur faire de sommations. » On voit qu’au besoin le client d’Antiphon aurait pu employer la contrainte.

Une inscription curieuse nous apprend qu’au temps d’Auguste les magistrats chargés de la formation des chœurs à Stratonice, en Carie, étaient autorisés par la loi à exercer une espèce de conscription, et, en quelque sorte de presse, sur les enfans inscrits à cette intention dans les registres publics[2].

La pénurie des choréges ruinés par la guerre, réagit tristement sur la

  1. Bœckh, Inscript. 225 et 226, tom. I, pag. 348, 349.
  2. Edm. Chishull, Antiquitates asiatic., pag. 155, seqq. — Il s’agit dans cette inscription de chœurs cycliques et non de chœurs scéniques. Ceux-ci n’étaient pas en usage dans toute la Grèce. On sait que les Spartiates, loin d’admettre chez eux la choragie scénique, plaisantaient souvent, au contraire, sur les folles dépenses où la mise en scène des ouvrages dramatiques entraînait les Athéniens. Voy. Plutarch., Sympos., lib. vii, quæst. 7, et De glor. Athen., pag. 348, F.