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ORIGINES DU THÉÂTRE.

villes en chantant des fragmens d’odes ou d’épopées. Ces musiciens de carrefours, aulètes ou citharèdes, étaient nombreux encore du temps de Lucien[1].

La danse n’était pas plus rare que la musique dans les rues d’Athènes. Aristophane introduit dans une de ses pièces une petite danseuse publique, assez semblable aux almées qu’on voit aujourd’hui au Caire montrer leur souplesse près de la mosquée d’Hassan. Le poète nous la représente dansant dans les rues d’Athènes sous la conduite d’une vieille, ou plutôt d’Euripide travesti en vieille[2], et accompagnée d’un joueur de flûte qui exécutait des airs persiques[3] ; car on ne permettait que des saltations étrangères à ces danseuses serviles, et on ne leur prostituait pas les mélodies nationales, réservées aux chœurs de femmes libres et de citoyens. Un archer scythe, témoin des sauts et des pirouettes de la gentille Élaphion, s’écrie dans son grossier enthousiasme : « Comme elle est légère, la petite ! on dirait une puce sur une toison[4]. »

L’imitation des animaux, qui précéda le drame satirique et la comédie, subsista dans certaines danses et continua de se montrer dans plusieurs jeux. Il y avait sur les places publiques de la Grèce des ventriloques, comme Parmenon, qui imitait le grognement du pourceau. D’autres contrefaisaient le gloussement de la poule ou le cri de la corneille. Théodore imitait le bruit des grandes roues hydrauliques[5]. Et non-seulement on simulait la voix et les allures des bêtes ; mais on donnait les animaux eux-mêmes en spectacle. Pindare emploie ce dicton proverbial : « Aux yeux des enfans, le singe qu’on montre est toujours un beau singe. »

COMBATS DE CAILLES ET DE COQS[6].

Les combats de cailles et de coqs étaient en Grèce l’amusement favori de toutes les classes. Il est déjà fait allusion à ces combats dans Pindare. Ces jeux, qui n’étaient d’abord qu’un passe-temps aristocratique et privé, finirent par devenir un spectacle public. Voici, au dire d’Élien, à quelle occasion : Thémistocle, marchant à la rencontre des Perses, vit un détachement

  1. Lucian., De saltat., cap. II.
  2. Aristoph., Thesmoph., v. 1172, seqq. — Les almées sont encore aujourd’hui conduites dans les cafés du Caire, d’Alexandrie, etc., ainsi que dans les maisons des particuliers, par des vieilles qui se font passer pour leurs mères. Voyez Correspond. d’Orient, tom. V, pag. 256, 257.
  3. C’était l’Oclasma que décrit Xénophon, Anab., lib. vi, cap. I, § 5.
  4. Aristoph., ibid., v. 1180.
  5. Plutarch., Sympos., lib. v, quæst. i, pag. 674, B, et De audiend. poet., pag. 18, C. — Dans quelques universités suédoises on pratiquait encore, au xviiie siècle, quelque chose d’analogue pour la réception des étudians. Le candidat, le visage noirci, était obligé de mettre en travers dans sa bouche des morceaux de bois ou des dents de sanglier, et de répondre aux questions qui lui étaient adressées, ce qui le forçait de faire entendre un grognement semblable à celui du cochon ! Voyez un curieux opuscule de M. J. Rydquist, conservateur de la bibliothèque royale de Stockholm, sur les plus anciens drames du Nord. Upsal, 1836, in-8o.
  6. Nous trouverons les combats de coqs chez presque tous les peuples, les Romains, les Indiens, les Celtes, les Anglais, les Mariannais, les Chinois, etc. Voyez les Mémoires de la Société des Antiqu. de France, tom. IX, pag. 194-198.