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De cette manière l’impôt portait sur la terre et son revenu, sur le travail et son produit, sur le commerce et ses grains, sur les capitaux et leurs jouissances, sur les actes et leurs garanties. Ce système, qui était savant et juste, rendait les charges publiques moins onéreuses en variant leur matière et en distribuant leur poids, et il complétait les vastes établissemens de l’assemblée constituante. Il devenait un des ressorts les plus efficaces de cette puissante machine sociale qui devait permettre à la France, unie sur un territoire compact, animée d’un même esprit, régie par la même loi, mue par la même organisation, d’exécuter avec promptitude ce qu’elle voulait avec ensemble. Il donnait à un grand peuple la facilité des grandes choses.

Ce système n’a été entièrement réalisé que sous le consulat, après les troubles de la période dont les finances furent révolutionnaires comme les principes et les actes Mais adopté depuis lors avec des perfectionnemens successifs dans son mécanisme, sans que le fond en ait été changé, il est resté comme une des plus belles conceptions de la grande assemblée dont les idées, sur ce point, n’ont pas eu besoin cette fois des rectifications de l’expérience. M. Rœderer a pris une part considérable à cette organisation financière. Ce fut lui en effet qui exposa le plan général des contributions directes et indirectes, qui montra les liens de ses diverses parties entre elles, de chacune d’elles avec le tout, et du tout avec la reproduction annuelle de la richesse publique. Ce fut lui qui coopéra le plus à la combinaison de la contribution foncière avec la contribution mobilière, combinaison par laquelle les revenus des capitaux étaient inévitablement atteins. Le moyen qu’il découvrit et qu’il fit admettre était très ingénieux. Il se demanda quel était le signe le plus visible de la richesse invisible des capitaux. Il se répondit que la richesse mobilière signalait son existence par son emploi, et son emploi par le loyer de son possesseur, qui devait dès-lors servir de base à sa contribution et en donner la plus exacte mesure. Ce fut lui qui présenta la loi sur le timbre, qui rédigea celle sur les patentes, qui proposa l’organisation du trésor, qui fit abandonner le projet d’imposer les rentes comme attentatoire au crédit public, qui obtint le reculement des douanes à l’extrême frontière, qui fut chargé de réviser le tarif des droits d’entrée et de sortie dressé par le comité d’agriculture et de commerce, qui fut enfin défenseur habituel du système nouveau dans l’assemblée. J’ai insisté sur cette époque de la vie de M. Rœderer, afin de lui rendre des pensées qui ne portent point son nom, et qui, pour être devenues des actes de l’histoire et en partie la règle financière de l’état, n’en res-