Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
RŒDERER.

rectoire, renforçait néanmoins le pouvoir fédéral en lui donnant plus d’unité ; elle consacrait l’égalité helvétique en faisant des anciens pays sujets de Saint-Gall, de Thurgovie, d’Argovie et de Vaud, des cantons indépendans ; et elle rapprochait les diverses parties de la Suisse en abolissant dans son intérieur tous les droits de douane. On y voit les progrès du temps et l’une des idées chères à M. Rœderer.

En 1806, M. Rœderer, envoyé par le sénat à Naples pour complimenter Joseph Bonaparte, fut appelé à réorganiser les finances de ce royaume. Il s’y prit si bien, il changea d’une manière si habile et si équitable le système des contributions de ce pays, il en fonda si solidement le crédit, que les résultats de son passage se sont maintenus jusqu’à ce jour, et que ses établissemens financiers, respectés par les gouvernemens postérieurs, subsistent encore.

Enfin, en 1810, l’empereur lui confia l’administration du grand duché de Berg, qui, placé hors des limites du fisc impérial, permettait à M. Rœderer d’appliquer à l’Allemagne ses principes économiques, sans être gêné ou sans se montrer désobéissant. Cette administration, lui dit l’empereur en la lui remettant, doit être l’école normale des autres états de la confédération du Rhin. M. Rœderer ne demandait pas mieux ; et c’est ainsi qu’après avoir laissé la trace de ses idées dans les institutions de la France, il travailla à rendre heureuse et féconde l’action de la France sur l’Europe, en y introduisant les bienfaits de ses innovations, et en y réparant les désastres de la guerre par les progrès dans l’ordre civil.

L’empereur, qui avait conféré à M. Rœderer le titre de comte et lui avait accordé la sénatorerie de Caen, recourut encore à lui dans des momens difficiles ou des périls pressans. Il l’envoya deux fois en Espagne auprès de son frère le roi Joseph, en 1809, pour faire cesser entre eux une mésintelligence qui pouvait devenir grave, et en 1813 pour préparer Joseph, après la défaite de Vittoria, à céder le commandement des troupes et la conduite de la retraite au maréchal Soult. Cette mission délicate fut suivie d’une autre plus intime encore. Les grands désastres se succédaient ; les pays qui servaient d’avant-postes à l’empire étaient perdus. L’Allemagne entière s’était soulevée ; la Suède marchait d’accord avec la Russie ; Naples négociait avec l’Angleterre ; l’Espagne était évacuée ; après s’être toujours battu en Europe, il fallait se défendre en France et contre tout le monde.

Dans cette dure extrémité, l’empereur essaya de diminuer le nombre de ses ennemis en replaçant Ferdinand VII sur le trône d’Espagne. Pendant que M. de Laforest négociait à Valençay le rétablissement