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penser de reproduire, dans un mammifère marin, les caractères essentiels du mammifère terrestre ! Tant il est vrai que des nageoires, tout en servant à nager, n’en sont pas moins construites tout différemment ! Tant il est vrai que la loi de ces constructions est prise, non pas sur l’usage, mais sur le rang de l’organe ! À quoi bon cacher les os du bras dans une nageoire, si la nature n’est pas déterminée par une raison bien supérieure à la raison des causes finales ? La nageoire du poisson proprement dit est étrangère à la structure du membre antérieur des mammifères, et elle ne ressemble pas, pour la composition intérieure, à la nageoire du cétacé. Or, pourquoi cette différence de constitution dans deux parties destinées aux mêmes usages ? C’est que le poisson appartient à une formation différente, et que sa nageoire a beau être faite pour nager, elle ne peut renfermer un humérus comme celle de la baleine. Tout concourt et concorde, il est vrai, dans l’immensité du monde ; mais il y a des subordinations dans les règles, et ce n’est qu’après avoir obéi à la règle qui détermine la forme dans une classe d’animaux, que la nature obéit à la règle de la cause finale, c’est-à-dire approprie l’organe à son usage.

Empédocle, en disant qu’il y avait de la raison dans la construction d’un os, disait une grande et profonde vérité. La nature, en effet, ne peut que ce qui est logique, et la série animale en est une des preuves les plus manifestes ; là tout se produit par voie de conséquence ; un développement, partout écrit, enchaîne les organisations supérieures aux organisations inférieures ; les premières supposent les secondes, et l’on peut affirmer que, si les animaux inférieurs n’existaient pas, les animaux supérieurs n’auraient pas vu le jour, pas plus que n’existerait l’homme fait si l’enfant n’existait pas.

Goëthe, supposant un type qui serait intermédiaire entre les animaux, et qui tiendrait de tous sans en représenter aucun en particulier, ne veut pas admettre par conséquent que l’un soit le type de l’autre. Selon moi, au contraire, il existe un type, et cette notion résulte directement de la notion de développement. Le type que supposait Goëthe n’est pas réalisable ; aussi n’existe-t-il pas ; celui que j’admets existe toujours. Selon moi, toute organisation supérieure est le type des organisations inférieures, c’est-à-dire le terme où ont abouti ces organisations, et aussi le point d’où, par soustraction, on pourrait revenir au degré subalterne. Dans l’état actuel des choses, l’homme est le type dans l’animalité ; si l’homme disparaissait, ce type serait représenté par l’ensemble de tous les mammifères.

De tout ce qui a été dit, il résulte que, s’il était dans les lois de