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par le fait qu’elles surpassent et humilient nos forces et nos aptitudes corporelles, ces puissances mécaniques semblent nous avertir de ne pas placer notre orgueil en des conquêtes fragiles que des moteurs inintelligens peuvent réaliser mieux que nous ; de l’autre, en créant les produits avec plus de facilité et d’abondance, elles semblent dire : — Nous venons payer au corps la rançon de l’esprit, afin que ce dernier puisse se retremper aux sources de sa grandeur originelle. Tel est le rôle des machines : telle sera leur fonction dans l’économie de nos destinées.

Mais voici ce qui est arrivé à leur suite, comme incident et comme phénomène contradictoire. Tout bienfait d’en haut devant tourner à mal pour le monde jusqu’à ce qu’il ait été compris et appliqué selon les vues divines, il s’est trouvé que les puissances mécaniques, au lieu de fonder le bien-être, n’ont jusqu’ici enfanté que des fermens nouveaux de collisions et de haines, aggravés encore par les désordres inséparables d’un vaste déplacement. À cela, quelques économistes, portés à prendre des symptômes superficiels pour des causes profondes, ont répondu en imputant aux machines les torts même de la civilisation au sein de laquelle elles fonctionnent. Ils ne pouvaient s’expliquer autrement pourquoi des agens, dont la faculté évidente est de centupler la production, laissaient, dénués des produits les plus nécessaires, les hommes qui en ont le plus besoin. Pour compléter les termes du problème, et pour s’éclairer sur ses résultats, il y avait pourtant bien peu de chose à faire ; il suffisait de se dire que si les puissances mécaniques créent les produits, ce sont les hommes qui les distribuent. Une distribution meilleure, c’est toujours là que l’on vient aboutir, et c’est ce que prétend régler la science du bien-être.

Qu’il demeure donc bien entendu que les machines ont paru au milieu de nous pour se résoudre, non pas en profit pour quelques-uns, mais en allégement de travail pour tous ; qu’elles doivent être, mieux comprises, non pas un élément de discorde, mais un élément d’union, d’harmonie et de paix ; enfin qu’en affranchissant le corps de sa dernière servitude, elles seront les agens les plus directs d’un spiritualisme régénéré. Grâce aux loisirs qu’elles nous préparent, le plus humble membre de la famille humaine pourra bientôt, dans la mesure de son intelligence et de ses forces, s’élever à une aspiration vers Dieu et à une vue raisonnée de son œuvre. De là naîtra, nous l’espérons, une foi sérieuse et profonde qui s’adressera beaucoup plus à la conviction qu’à l’enthousiasme. Ce spiritualisme,