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à cause de l’isolement des populations champêtres et d’un commerce vagabond fait par des espèces de caravanes, à travers les plaines nues et les montagnes inhabitées ........

Après ce rapide résumé, M. de Châteaubriand traite de la guerre de 1808, et arrive enfin à cette époque où les agitations de l’Espagne appelèrent l’intervention française. Il crayonne ces figures politiques et militaires auxquelles il aura bientôt occasion de s’arrêter.

Ces secondes cortès furent aux premières ce que notre assemblée législative fut à l’assemblée constituante. Parmi les nouveaux nommés étaient des curés anti-romains, des légistes à discours, des clubistes, enfin Riego, jeune parleur de l’armée, et le duc del Parque, vieux radoteur de la cour : la vie a deux enfances, elle n’a pas deux printemps. Riego monte à la présidence. Le roi, afin de balancer l’esprit des cortès, nomme Martinez de la Rosa ministre des affaires étrangères.

Trois poètes, M. Martinez de la Rosa, M. Canning et l’auteur de ce récit, se sont trouvés ministres des affaires étrangères presqu’en même temps, « Il est peu d’hommes, dit Montaigne, abandonnés à la poésie, qui ne se gratifiassent plus d’être pères de l’Énéide que du plus beau garçon de Rome. Je me jette aux affaires d’état et à l’univers plus volontiers quand je suis seul. Je suis fait à me porter allégrement aux grandes compagnies, pourvu que ce soit par intervalles et à mon point. »

Qu’en pense Martinez de la Rosa, resté comme nous dans le monde, et notre illustre ami Canning, détrompé aujourd’hui dans l’éternité ?

La session s’ouvrit à Madrid, le 1er mars 1822, alors qu’ambassadeur, nous assistions aux séances du parlement britannique, ou que nous racontions, dans la première partie de nos Mémoires, nos courses chez les sauvages.

Des travaux furent entamés relativement aux finances ; mais il n’y avait plus rien de possible. La presse, les sociétés secrètes, les clubs, avaient tout décomposé. Barcelone, Valence, Pampelune, s’agitèrent. D’un côté on criait : Vive Dieu ! de l’autre : Vive Riego ! On se tuait au nom de ce qui ne meurt point et de ce qui meurt. À Madrid, des régimens se battirent contre des grenadiers royaux ; des jeunes gens se promenèrent dans les rues, implorant un monarque absolu : Dieu et le roi, en Espagne, c’est même chose, las ambas magestades. Au sein des cortès, des députés disaient que le refus d’accueillir les plaintes du peuple autorisait la justice du poignard.