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était datée de Munich, où sans doute on a la prétention d’avoir fait naître de vifs sentimens d’affection en Grèce ! De telles attaques ne se font-elles pas juger elles-mêmes ? Le cabinet français, qui demandait, en ce moment-là, des millions pour la Grèce, a-t-il besoin de l’apologie des feuilles du gouvernement bavarois, qui demande des millions à la Grèce, ce pays épuisé à qui la Bavière n’a jamais rien donné, qu’une administration dont les actes ont révolté tout ce qu’il y a d’esprits droits ? Le cabinet français a répondu d’avance à ces attaques en stipulant pour les intérêts de la Grèce contre les demandes pressantes du gouvernement bavarois ; et en cela il n’a fait que suivre la noble politique dont les effets se sont manifestés par l’expédition de Morée, la bataille de Navarin, la garantie de l’emprunt, et tant d’autres preuves d’intérêt et de désintéressement données à la Grèce depuis quinze ans. Si, après tout cela, les Français sont détestés en Grèce, il sera curieux de savoir quelle sorte de sentimens la nation grecque porte aux Bavarois !

Il se peut aussi que nous soyons détestés en Belgique. Nous ne l’aurions pas moins mérité. Autrefois, la politique extérieure de la France consistait surtout dans la protection qu’elle accordait aux états secondaires, proches ou lointains. La France garantissait, elle protégeait les états faibles, loin de les intimider, comme faisaient les autres états. C’était là un des principes et un des secrets de sa prépondérance. Qui dira aujourd’hui que la France n’obéit pas à ce système ? À l’heure présente, sous le ministère actuel, ce système a plus de force que jamais. C’est donc un fait très important que ce qui se passe aujourd’hui entre la Belgique et la Hollande.

La conférence de Londres a reçu, depuis peu de temps, une communication du roi de Hollande, qui semble disposé à accepter un arrangement basé sur les vingt-quatre articles du traité du 15 novembre 1831, et à faire les concessions territoriales exigées par ce traité. Le gouvernement belge se trouverait ainsi forcé d’évacuer, conformément au traité de 1831, quelques parties de territoire qu’il occupe en ce moment, et de supporter sa part de la dette nationale des Pays-Bas, que le refus absolu de négocier, de la part du roi Guillaume, a mise jusqu’à ce jour à la charge de la Hollande. Déjà, en 1832, le roi de Hollande semblait pencher pour un arrangement ; mais les conditions qu’il mettait à la reconnaissance du gouvernement belge n’étaient pas acceptables de leur nature. Cette fois, une nécessité pressante semble avoir motivé sa démarche, la disposition des états généraux se trouvant telle qu’il faut renoncer à maintenir l’état de l’armée sur le pied onéreux où elle se trouve. La conférence de Londres s’est bornée à donner acte de la communication du roi de Hollande, en faisant seulement remarquer que la situation des choses n’est pas aujourd’hui la même qu’elle était à l’époque où les vingt-quatre articles furent soumis à l’acceptation de S. M. le roi Guillaume. Cette observation importante, et qui semble devoir changer toute la nature des négociations, a été introduite dans le protocole de la conférence, d’un commun accord, par la France, l’Angleterre, et par le représentant de la Prusse, qui l’avait lui-même rédigé. Le représentant de la Russie élevait, il est vrai, quelques dif-