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DE L’ALLEMAGNE.

n’aurait jamais acceptée, en admettant que ce prince s’y fût prêté lui-même. Le gouvernement fit comprendre, non sans peine, à la chambre la gravité qu’aurait un tel vote, et l’on vit une transaction, dans laquelle on fit la part de la prudence en réservant celle des principes, sortir, après ces longs débats, de cette lutte, l’une des plus vives qu’ait suivie la jeune Allemagne constitutionnelle.

Mais ce fut surtout dans les deux Hesses que les résistances se produisirent avec une exaltation, et chose plus remarquable, avec une persévérance qui, à l’issue près, ne le cédaient pas à l’élan unanime de l’opinion libérale en France aux dernières années de la restauration. À Darmstadt comme à Cassel, les chambres sont deux fois brisées et deux fois renvoyées en masse avec des mandats impératifs, malgré l’intervention la plus active de l’autorité dans les élections ; un ministre est décrété d’accusation[1], le budget est rejeté, les lois les plus libérales sont votées, malgré le pouvoir, et contre lui, signes précurseurs d’une tempête, s’il avait été donné à la tempête d’éclater !

Dira-t-on que ce feu de paille n’a brillé qu’un jour, que les décrets de Francfort ont été acceptés, les écrivains muselés, les universités réformées ou dissoutes, et que dès la fin de 1834, l’Allemagne commençait à rentrer dans son repos ? et de ce qu’aujourd’hui les états, de concert avec les gouvernemens, s’occupent beaucoup de chemins de fer, et moins de politique, serait-on admis à conclure, avec certains publicistes, que le mouvement constitutionnel de 1832 était sans portée, que ce pays cédait à un entraînement factice, et que les intérêts nouveaux n’y ont pas acquis les développemens qu’il nous convient de leur supposer ? Étrange conclusion que celle-là, vraiment ! Eh ! que vouliez-vous donc que fissent les petits états en face des forces fédérales prêtes à marcher ? Le désir non équivoque des deux grandes puissances militaires n’était-il pas, et qui l’ignorait ? d’intervenir à main armée, en appuyant sur une violation des obligations fédérales la suppression des institutions représentatives ? Quelle résistance était possible dans un moment où la France se considérait comme dégagée de tout intérêt dans les affaires d’Allemagne ? La seule résistance vraiment sérieuse, du moment où il ne pouvait y avoir de concours à attendre de notre gouvernement, impliquait, d’ailleurs, l’emploi de moyens purement révolutionnaires, et le propre de l’opinion bourgeoise, en pareille alternative, n’est-il pas de se résigner même au despotisme ? Entre un nouvel essai de république démagogique et une nouvelle dictature impériale, l’opinion constitutionnelle n’eût-elle pas embrassé le dernier parti, même en France ? Est-ce donc à dire que cette opinion y soit sans racines et sans force propre ?

L’Allemagne a, du reste, bien moins cédé, comme on le dit, que transigé sur la plupart des grandes questions soulevées. Quelle qu’ait été la mesure des concessions réclamées par une position impérieuse, il faut savoir reconnaître que les six dernières années ont avancé, à l’égal d’un demi-siècle, son

  1. M. Hassempflug, ministre de l’intérieur de Hesse-Cassel.