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éducation constitutionnelle. Les états méridionaux ont conquis des garanties importantes ; la Saxe, le Hanovre, d’autres puissances inférieures, ont reçu des institutions plus libérales ; enfin, et c’est ici le point capital, ce pays a manifestement acquis une conscience plus distincte de ses vœux, une aperception plus lucide de ses destinées politiques.

L’opinion constitutionnelle y a été prudente et mesurée, parce qu’il est dans sa nature de l’être, parce qu’en Allemagne, où l’on passe à grand’peine des spéculations de l’intelligence à leur réalisation pratique, les mœurs inclinent vers le pouvoir, et que le vieux sang de ces princes, qui, pendant cinquante années de tourmente, ont partagé toutes les épreuves des peuples, est encore cher à la Germanie.

Quoi qu’il en soit, une révélation complète de l’état intime de ce pays est désormais acquise pour la France comme pour l’Europe. Nous ne pouvons ignorer que s’il entre un jour dans les plans d’une politique, non pas propagandiste et conquérante, mais nationale et modérée, d’appuyer au-delà du Rhin le principe représentatif menacé dans son indépendance, ce concours serait accepté avec transport. Si la France avait été en mesure, et s’il avait pu convenir à ses intérêts d’alors de donner ce concours à l’Allemagne, en 1832, on sait assez que les décrets de Francfort auraient rencontré devant eux bien autre chose que des pétitions collectives et des protestations parlementaires. Qui ne sait qu’assurés d’un point d’appui de ce côté, certains gouvernemens constitutionnels auraient peut-être devancé les peuples dans une résistance habilement calculée pour en recueillir eux-mêmes le bénéfice ? Il est, dans l’Allemagne méridionale, des cabinets qui ont encore plus l’ambition de s’agrandir qu’ils n’ont peur de la liberté politique, et ceux-là seront tôt ou tard funestes à l’œuvre de 1815.

La France, intervenant en Allemagne sitôt après juillet dans les ardeurs de son prosélytisme révolutionnaire, aurait pu soulever contre elle les repoussemens de populations honnêtes et religieuses ; la France agitant au bord du Rhin les aigles de l’empire, et s’emparant de ce qu’elle appelle ses frontières naturelles, aurait excité plus sûrement encore contre elle l’esprit national, sur lequel pesaient, comme une douleur et comme une flétrissure, les insolens souvenirs de nos jours de conquête. À cet égard, les gouvernemens allemands comprennent à merveille leur véritable situation ; ils s’efforcent par tous les moyens de persuader à l’Allemagne que l’action française ne saurait jamais s’exercer autrement. Impuissans ou dévastateurs, tel est le rôle qu’on aimerait à nous faire aux yeux de l’Europe. Le terrain serait bon, en effet, en cas de complications politiques ; mais qu’on nous permette aussi de choisir le nôtre, tel qu’il nous conviendra, le cas échéant, de le prendre et de le garder.

Or, notre ascendant sur ce pays est assuré si nous savons respecter sa liberté et son honneur, si, sans nous présenter en démagogues, et, ce qui serait pis encore, en conquérans hautains, nous faisons appel aux intérêts des classes moyennes, aux doctrines constitutionnelles, surtout à l’indé-