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remèdes héroïques ? Dans la discussion des fonds secrets, à la chambre des pairs, M. Villemain accusait M. Molé d’avoir pris sa part des lois de disjonction et de dénonciation, ce qui n’est vrai qu’à demi. Mais il n’importe : M. Molé a fort bien répondu que les mêmes mesures ne peuvent servir à tous les temps, et qu’il avait pu croire à la nécessité d’une loi de rigueur à une époque où se montraient les assassins, où éclataient les complots, et devenir partisan d’un acte de clémence et d’une politique de douceur, en voyant disparaître peu à peu ces funestes symptômes. L’opposition de M. Guizot et de ses amis contre le ministère actuel prouve assez qu’ils n’ont pas adopté sa politique, et qu’ils ont gardé la leur. Qu’ils attendent donc au moins un premier symptôme de trouble, la plus petite émeute, un complot quelconque, un désordre, pour appliquer ces idées de répression et ces lois de rigueur que M. Guizot a portées avec lui partout depuis 1815. L’émeute et le désordre ne se manifestent pas sans quelque bruit et sans éclat. Le jour où les doctrinaires pourront se présenter aux chambres comme une nécessité, sera donc bien facile à reconnaître. En attendant, il est permis à ceux qui aiment le calme et l’ordre de désirer que ce jour n’arrive pas de long-temps.

On se plaint de voir la confusion s’introduire partout ; nous pensons, au contraire, que les positions des partis sont très nettes. Elles nous apparaissent ainsi, du moins à travers la coalition, et nous pensons que cette netteté des situations fait la force du ministère. On s’écrie que chacun renie ses principes, nous venons de prouver le contraire ; et, le voulût-on, on ne se débarrasse pas d’un principe qu’on a arboré, à l’heure même où ce principe incommode. Il en est de cela comme des réputations qu’on a beaucoup de peine à se faire, et plus de peine à perdre encore. Ainsi on a beau mêler les rangs, se tendre les mains, se donner des accolades, les nuances d’opinion ne s’effacent pas un instant, et nous voyons une réunion toute politique, telle que la coalition, ne se soutenir qu’autant qu’on s’abstient d’entrer à fond dans la discussion des affaires. C’est là ce qui explique la nature de l’opposition qui se fait en ce moment contre le ministère, opposition qui manque de foi en elle-même et qui cherche à déguiser son peu d’ensemble et de réalité, sous la violence des attaques. Au lieu de demander au ministère compte de ses actes et de les attaquer, on a nié d’abord qu’il fût un ministère politique. Ne pouvant faire passer le ministère qui a fait l’amnistie et les élections pour une simple administration intérimaire entre la politique de M. Guizot et celle de M. Thiers, on a voulu lui prouver alors qu’il n’était pas capable de faire les affaires. Le ministère a répondu par l’expédition de Constantine, par le traité d’Haïti, et d’autres actes que l’opposition seule a déjà oubliés. On s’est attaché, dès-lors, à l’empêcher de faire les affaires intérieures, on a proposé le rejet de toutes ses lois, en regardant, comme des lois rejetées, celles qui n’étaient encore qu’à l’examen des commissions. À entendre les organes de la coalition, le ministère aurait dû déjà se retirer, rien que devant le vœu des commissions de la chambre des députés.

Le vote de la chambre dans la discussion des armes spéciales a prouvé