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qu’il se portât, il y rencontrait un comité chargé d’aplanir les voies à une assemblée publique, et prêt à continuer l’élan d’une première propagation. Ainsi, lors de son premier voyage, M. Owen trouva à Londres un meeting de deux mille personnes, disposées non seulement à l’attention, mais encore à la sympathie. Un organe périodique, le Cooperative Magazine, avait été fondé, et vouait dès-lors l’influence de sa publicité au mouvement de la doctrine.

L’une des tendances les plus vives de ce moment fut la réalisation. Presque toujours les assemblées publiques étaient suivies d’une ouverture de souscription pour la fondation d’une colonie d’essai sur des plans donnés et d’après des modèles figurés en relief. Il ne semble pas qu’aucune de ces tentatives ait eu une issue sérieuse, si ce n’est pourtant celle d’Orbiston. Orbiston, bourgade située près d’Édimbourg, et sur les terres de M. Hamilton, l’un des souscripteurs de Motherwell, fut le troisième essai réel de la méthode de M. Owen, tempérée par les idées de son plus éminent disciple, M. Abram Combe. Doué d’un sens droit et profond, M. Abram Combe avait compris sur-le-champ qu’un système absolu en fait de communauté devait nécessairement éloigner les capitalistes, et, pour conjurer cet obstacle, il avait divisé sa colonie en deux classes, celle des propriétaires et celle des fermiers, sans exclure toutefois la faculté d’être à la fois fermier et propriétaire. C’était consacrer le droit du capital et tourner l’écueil le plus saillant de la communauté.

Mais cette dérogation au système ne le sauva pas d’un second échec. À Orbiston comme à New-Harmony, ce qui se présenta d’abord comme élément, ce fut l’écume de la population. Trouvant là des bâtimens vastes et commodes, des fermes, des vergers, des jardins, les nouveaux colons se crurent appelés à jouir de tous ces biens sans travail, sans souci, sans fatigue, et quand on leur parla d’amélioration morale, ils répondirent qu’ils se trouvaient suffisamment moraux et suffisamment améliorés. Cependant, à l’aide d’une patience évangélique et d’un tact exquis, M. Abram Combe parvint un instant à renouveler le miracle de New-Lanark et à dompter ces natures rebelles. Dans les débuts, peu de membres de la communauté consentaient à se prêter à une besogne qui n’était pas imposée et contrainte ; bientôt ils y concoururent presque tous, excités par l’attrait du travail même. Les femmes, d’abord tracassières et acariâtres, devinrent par degrés plus douces et plus intelligentes. Les ouvriers à leur tour se montrèrent peu à peu plus sobres, plus dociles, plus actifs, plus bienveillans les uns envers les autres. Orbiston prospéra ainsi pendant