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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

lord Durham ; le plus probable est qu’il aurait fondé une oligarchie des classes moyennes, fortement organisée, secouant d’un côté avec le plus violent orgueil le joug de l’aristocratie territoriale, et de l’autre comprimant la populace avec non moins de vigueur ; mais quoi qu’il en soit de cette supposition, il est certain que la fixation du taux de la franchise à vingt livres sterling aurait produit un corps électoral bien différent de cette masse énorme et hétérogène que le vent des passions populaires et le jeu des influences aristocratiques poussent maintenant au hasard en sens divers.

Lord Durham n’a presque pas figuré dans les scènes orageuses qui ont signalé la discussion de son œuvre révolutionnaire. Une longue succession de malheurs domestiques, dont le premier fut la perte de son fils aîné, en 1831, et l’épuisement où le laissa une maladie sérieuse qu’il fit à la même époque, contribuèrent pour beaucoup à le tenir éloigné de la vie publique, et on n’hésite pas à regarder ces tristes circonstances comme la source du changement remarquable qui se manifesta dès-lors dans sa conduite et dans son caractère. L’impétuosité de son humeur et l’obstination de son esprit ont semblé quelquefois dégénérer en aigreur, et, en même temps, on l’a trouvé faible et incapable d’agir dans les crises les plus graves de sa carrière politique. Mais, comme nous l’avons dit, il y a tout lieu d’attribuer ces changemens à l’influence des malheurs et des souffrances physiques sous lesquelles aurait peut-être succombé un esprit moins vigoureux que celui de lord Durham. Il ne revint au parlement que pour assister aux dernières épreuves que le second bill de réforme eut à traverser dans la chambre des lords. Mais il a toujours protesté contre les clauses de cet acte qui furent ajoutées au projet originaire pour désarmer l’opposition des tories, et obtenir leur assentiment à l’ensemble de cette grande mesure, en déclarant que l’élément aristocratique s’y était glissé en son absence et sans son approbation.

Ce fut pendant ces débats, en avril 1832, que lord Durham devint le héros d’une scène fort étrange et qui caractérise singulièrement les hommes et l’époque. Le duc de Buckingham, tory et personnage fort considéré de son parti, avait eu l’idée d’adresser au roi, en sa qualité de conseiller privé, une lettre confidentielle, qui avait pour objet d’appeler le plus solennellement du monde les sérieuses réflexions de sa majesté sur les conséquences de la mesure imposée par ses ministres aux deux chambres du parlement anglais. Le roi montra cette lettre à ses ministres, et, quelques jours après, le public en