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peut encore se dire, en travaillant un bloc de marbre : Il sera dieu, et en faire sortir une Minerve, un Amour, une Nymphe, ou un Hercule. L’Hercule délivrant Prométhée, de M. Garraud, l’Halali grec, de M. de Bay, et la Damalis, de M. Etex, sont les meilleurs des douze à quinze morceaux et bas-reliefs que les sectateurs de l’antique ont exposés cette année. Leur nombre ne peut encore que se réduire, car l’école du moyen-âge et de la nature a fait aussi invasion dans les salles de la sculpture, et l’avenir lui appartient, puisqu’elle compte dans ses rangs des hommes tels que MM. Dantan, Duret, Etex, Feuchères, Lanno, Laitié, Faillot, Maindron, Pradier et Triqueti.

La Jeune fille napolitaine, de M. Dantan aîné, est une gracieuse statue, un peu froide pourtant pour une Napolitaine ; on la voudrait plus souple, plus animée de cet en-train de volupté naturel aux filles de son pays. Un aussi joli visage promet de charmantes formes ; on n’aurait donc pas su mauvais gré à M. Dantan de mouiller, d’assouplir, ou même de jeter de côté cette robe, d’ailleurs un peu lourde. Les bustes de M. Dantan jeune sont beaucoup moins amusans que ses grotesques ; ils se distinguent néanmoins par de solides qualités : le trait en est pur et délicat, la chair y est souple, palpitante, et les accessoires sont traités d’un ciseau habile. La ressemblance en est parfaite, et, cette fois, sans que M. Dantan ait eu recours à la charge. Le saint Augustin est l’ouvrage capital de M. Etex ; la tête en est d’une belle et simple expression ; nous trouvons seulement trop de plis dans les vêtemens, dont le travail nous semble maigre, surtout quand nous songeons que cette statue doit être placée dans l’une des chapelles de la Madeleine, à douze pieds du sol. Le marquis de Stafford, de M. Feuchères, le Montaigne, de M. Lanno, et le Pierre Corneille, de M. Laitié, sont d’estimables ouvrages. Cependant Montaigne nous a paru trop mélancolique et Corneille trop chétif. Les enfans au bain, de M. Maindron, sont de pauvres petits pensionnaires, d’une nature grêle et amaigrie, dont les formes sont d’une grande vérité, mais de cette vérité qui déplaît dans la nature. M. Duret a exposé un projet de statue qui formera le digne pendant de son danseur napolitain, l’une des bonnes statues qui aient été faites depuis Canova. Quant à la Vierge de M. Pradier, elle est de beaucoup supérieure à cette vierge de Bouchardon dont l’original existe dans je ne sais quelle église de province, et dont nous voyons la copie dans chaque chapelle de France. La Vierge de M. Pradier, c’est la mater dolorosa. Cependant la bouffissure que donne la douleur n’est-elle pas exagérée ? Le ciseau a peut-être aussi trop caressé ce visage, bien jeune encore pour celui de Marie survivant à son fils. Les plis de la robe ne sont pas non plus assez mouillés ; ils sont raides, soufflés, et ne dessinent aucune forme. M. Pradier peut, il est vrai, répondre à cette critique, que ce n’est pas une femme, que c’est la Vierge qu’il a voulu habiller.

La Scène du Déluge de M. Faillot ne manque pas d’énergie ; seulement le sujet en est difficile à comprendre. L’homme qui accourt à demi nu, en poussant d’horribles cris, ne devrait pas traîner après lui la femme qu’il veut secourir : il devrait l’élever au-dessus de sa tête, de toute la longueur de ses