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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

l’intérêt que son dévouement malheureux avait inspiré, et au crédit qu’on lui offrait de toutes parts. Bollmann, faisant régulièrement fortune, n’inspire plus le même intérêt que le jeune et tendre rêveur des Mémoires de M. Varnhagen. De retour en Europe, il fut appelé en 1815 dans cette Autriche dont il avait jadis violé les lois à main armée. Considéré de tous au congrès de Vienne, il eut la gloire de proposer au gouvernement autrichien un plan de remboursement du papier-monnaie que l’administration s’appropria plus tard avec succès. Dans une dernière lettre qu’il écrit à M. Varnhagen, il se plaint néanmoins que la vie lui réussit mal. On se laisse aller involontairement à l’idée que la source des mécomptes de Bollmann était dans le cœur qui n’avait pu être satisfait à temps, ce qui est, d’ailleurs, d’un bon effet dans un livre.


Die Revolution (La Révolution, roman, par Henri Steffens)[1]. — En Allemagne, dans un certain monde, M. Steffens jouit d’une certaine gloire. J’ai même lu, je ne sais où, qu’il est un des écrivains qui font le plus d’honneur à sa patrie. L’Allemagne est bien heureuse qu’on ne prenne pas en France une coterie au mot. Ce serait une élite bien honnête, sans doute, mais bien peu littéraire que celle qui se composerait d’hommes semblables à M. Steffens ; mais je doute qu’aucune nation européenne l’enviât sérieusement. M. Steffens est professeur depuis sa jeunesse ; il parle avec facilité, et se destinait d’abord au sacerdoce luthérien. Il acquit dans ce but toutes les connaissances qui font dans son pays un philologue solide, vastes trésors de l’intelligence qui n’enrichissent que les esprits naturellement riches, et qui, chez lui, ne firent que grossir les provisions de la mémoire. Comme il s’était adonné particulièrement à l’étude des sciences naturelles, il semblait, par ce fait, avoir reçu une mission apostolique pour la propagation de la nouvelle philosophie de la nature. Dans l’enseignement, il embrassa, à l’exemple des esprits vastes, et plus encore des capacités médiocres, plusieurs tâches fort différentes. Ainsi il fit successivement des cours sur la botanique, sur la philosophie, et même sur la religion. Luthérien ardent, il se constitua directeur d’une association luthérienne. Dans les universités auxquelles il fut attaché, sa facilité verbeuse et quelques aperçus plus bizarres qu’originaux lui assurèrent souvent la faveur des étudians, peu difficiles en fait de nouveauté, et complaisans pour quiconque caresse les haines et même les préjugés nationaux. La considération qu’il mérite personnellement exerça aussi une influence favorable à sa réputation. Après s’être ainsi fait un auditoire à l’âge où la sympathie qu’inspire l’homme se reporte facilement sur l’écrivain, il devint auteur. Qu’il ait écrit de petits compendia à l’usage des étudians, c’était dans l’ordre : tout professeur trouve toujours le moyen de refaire la grammaire de sa science. Qu’il eût essayé des théories nouvelles dans la partie du domaine intellectuel qu’il s’était attribuée, on n’aurait aucun droit de s’en étonner. Mais {{M. Stef-

  1. vol. Breslau, chez Max.