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CONGRÈS DE VÉRONE.

nière avec l’Autriche ; de son côté, la Russie consentit à soumettre à l’arbitrage européen ses différends avec la Porte ottomane. L’alliance subsistait donc dans toute sa force, et l’Angleterre elle-même, malgré les exigences de sa politique anti-continentale, en sanctionna toujours les délibérations, du moins par la présence de ses envoyés.

Tel était le droit commun de l’Europe, lorsque la question espagnole se produisit sous un aspect assez grave pour contraindre la France à prendre des mesures décisives dans l’intérêt de sa sûreté compromise.

M. de Châteaubriand s’attache à démontrer, en traçant le tableau de la situation de la Péninsule, en révélant surtout les menées des sociétés anarchiques jusqu’au sein de notre armée, que la France était non pas seulement en droit, mais bien dans l’obligation rigoureuse de briser à tout prix un régime qui devenait chaque jour plus dangereux par sa faiblesse, plus insultant par son insolence.

Les preuves qu’il apporte à cet égard ne peuvent laisser de doute dans aucun esprit sérieux ; ajoutons qu’elles étaient inutiles pour tous les hommes politiques qui comprennent l’étroite et constante connexité des intérêts péninsulaires avec les nôtres. Si le gouvernement français avait pu, sous les premières cortès de 1820, se borner à des conseils de modération bienveillante, il ne devait plus en être ainsi sous les secondes, lorsque le ministère espagnol, sorti des clubs et dominé par eux, était impuissant à refréner les tentatives de désordre, quand il n’en prenait pas l’initiative.

Demander à Louis XVIII qu’il laissât choir, sans la défendre, du front de son parent, la couronne de Philippe V ; exiger de son gouvernement une béate neutralité, lorsqu’une infatigable propagande travaillait l’armée française, et que les sociétés secrètes préparaient des deux côtés de la frontière un renversement dont la pensée a été depuis si hautement confessée : c’étaient là des paroles de niais ou d’hypocrites. Un ministère qui n’eût rien osé contre la révolution organisée dans les ventes et jurée sur les poignards, aurait été stupide, s’il n’avait été complice.

Un prince égoïste et sans entrailles, d’une dissimulation égale à sa lâcheté, avait compromis sans doute, tout autant que les passions révolutionnaires elles-mêmes, l’état presque désespéré de la Péninsule. Mais l’abjection de la royauté en Espagne n’eût point excusé l’imprévoyance de la royauté en France ; et, au point où les choses étaient arrivées aux derniers mois de 1822, il fallait que la constitution de