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rien M. Bernier. Duchesne, dom Bouquet, Muratori, Pertz, dans leurs excellentes collections, où ils ont, il est vrai, inséré d’ordinaire des monumens plus importans que le Journal de Masselin, n’ont pas cru devoir prendre une précaution aussi peu flatteuse pour les personnes qui ont besoin d’avoir recours aux travaux originaux dont ils ont bien voulu se faire les éditeurs. Que M. Guizot, dans sa Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, ait publié l’utile traduction de nos vieux historiens, rien de mieux ; c’était là un vrai service rendu à la science, c’était populariser des écrivains qui, de toute manière, sont chers à notre pays. Grégoire de Tours, Frédégaire, Guillaume de Nangis, Guillaume de Tyr, Orderic Vital, sont les sources antiques de l’histoire nationale, et la publication de ces chroniques en langue vulgaire est, pour M. Guizot, un des titres qui lui resteront à coup sûr après la dispersion des partis. Mais autre chose est la valeur de nos anciens chroniqueurs, autre chose la valeur du Journal de Masselin. Si, pour les documens latins, on adopte dans la Collection ce mode de traduction en regard, pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi alors ne pas reproduire, ne pas faire traduire le Recueil des Ordonnances dans sa partie latine, et les Bollandistes, et Rymer, et tous les documens déjà publiés sur l’histoire du moyen-âge ? Masselin, grace à Dieu, n’a aucun besoin de devenir populaire, et il fallait supposer une bien profonde ignorance chez le très petit nombre d’écrivains qui auront à le consulter, pour songer qu’une traduction de ce mauvais latin du XVe siècle pourrait jamais être du moindre secours. Afin de donner sans doute, à sa publication, un caractère plus original, M. Bernier n’a traduit, à sa manière, que les portions du Journal de Masselin qui n’avaient pas déjà été éditées en vieux français dans les précédens recueils. Quand les anciennes traductions ne lui font pas défaut, il les insère donc textuellement, vis-à-vis du latin. De là un mélange intolérable de patois du XVe siècle et de français assez incorrect du XIXe, de là une lecture bigarrée, incohérente, qui vous fait, sans transition, passer d’une époque à l’autre, et qui, je suis contraint de le dire, laisse le regret que la vieille traduction n’ait pu être substituée partout à l’interprétation prétentieuse et fautive de M. Bernier.

Un second volume publié plus récemment par M. Bernier dans la Collection du gouvernement, sous le titre de Procès-verbaux des séances du conseil de régence du roi Charles VIII (août 1484 à janvier 1485), est de la plus absolue insignifiance. Malgré une patience à toute épreuve, et une bonne volonté sans prévention, il nous a été impossible d’y découvrir le moindre fait, la moindre phrase qui puisse jeter un jour nouveau sur l’histoire de l’époque. L’éditeur avertit dans la préface que les matières traitées dans ces procès-verbaux sont loin d’être toutes d’un égal intérêt, nais qu’il ne s’est permis d’en rien retrancher. Je ne conçois pas, je l’avoue, ce profond respect, cette religieuse superstition pour un manuscrit, dès que sa date remonte au-delà du XVIe siècle. S’il s’agissait de fragmens de Tacite retrouvés sur quelque palimpseste du Vatican, ou de vers inédits de Molière et de