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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Qui ne s’attendait à ce que cette année vit commencer les travaux qui doivent donner à la France les chemins de fer, ces communications rapides, si nécessaires aujourd’hui, à l’industrie, à la guerre, à la vie ? Point. Sous prétexte que le gouvernement a trop demandé, on lui refuse tout ; quand il réclame le partage avec les compagnies, on l’exclut même de cette association ; tout le monde pourra travailler au bien-être du pays, excepté l’état. Et ces choses se passent en France, chez le peuple le plus habitué à invoquer le gouvernement, son intervention, sa force, partout où un intérêt public se trouve en jeu, ou en péril !

Nous croyons que la chambre a été surprise ; mais maintenant elle est avertie, elle sait où on veut la mener ; elle ne peut plus ignorer que, sous prétexte de lui parler affaires, on travaille à fausser ses rapports tant avec la couronne qu’avec l’autre chambre. L’article 7 de la proposition sur les rentes n’est-il pas un empiétement sur les prérogatives constitutionnelles du pouvoir exécutif ? Ne murmure-t-on pas déjà dans l’enceinte du palais Bourbon des menaces contre la chambre des pairs, qui prétend être libre et exercer sa part d’action dans le concours des trois pouvoirs ?

Contradiction bizarre ! Ceux qui se portent pour les soutiens par excellence du gouvernement parlementaire, ne veulent pas que l’autre moitié du parlement garde son indépendance et sa dignité. La chambre ne comprendra-t-elle pas qu’en se laissant entraîner à des empiétemens sur le pouvoir exécutif, à des colères contre l’autre chambre, elle tend à se créer pouvoir, unique et despotique.

Le mot de convention a été prononcé. Il n’est pas effrayant sans doute parce qu’il est sans application, mais il indique les craintes publiques et les projets de quelques-uns. Or, il n’y a rien de plus triste pour un homme, comme pour une assemblée, que de se faire l’instrument de passions qu’on n’éprouve pas et de desseins qu’on repousserait avec effroi, si on les approfondissait. On se trouve à la fois violent et petit, et tout en se donnant des airs de maître, on est esclave.

Deux grandes questions vont se présenter devant la chambre, Alger et le budget. Que la chambre les juge, non pas avec les préventions passionnées qu’on lui souffle de toutes parts, mais avec son bon sens et son patriotisme. La France ne veut pas l’abandon d’Alger ; pour garder nos possessions africaines, il ne faut pas affaiblir l’armée qui les occupe. Or, refuser au gouvernement ses justes demandes, c’est l’empêcher de satisfaire à tout ce que réclament l’honneur et la sûreté de notre drapeau en face des Arabes. La chambre ne perdra