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POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE.

les détachemens de cette milice qui purent y rejoindre Achmet, s’y rendirent. Cette ville devint ainsi le siège de la puissance turque, vaincue, mais non détruite. Pendant que le parti turc se reformait de la sorte dans l’est, les tribus indigènes, déliées du joug, et nous voyant attachés à la côte, tombaient dans l’anarchie. Les unes, par habitude, tournaient les yeux vers Achmet, les autres se ralliaient à des chefs de leur nation. Ces chefs surgissaient de toutes parts : Maures, Kabaïles, Arabes, chaque race fournissait des compétiteurs à un héritage que nous n’osions pas recueillir ; on se battait partout ; les villes étaient prises et reprises, les chefs renversés et relevés. Un Arabe, le père d’Abd-el-Kader, s’ouvrit un chemin à travers cette confusion. Il se fit un grand parti dans l’ouest ; il le légua à son fils, qui sut l’accroître ; nous l’y aidâmes en traitant une première fois avec lui. Il détruisit ou gagna, l’un après l’autre, tous ses rivaux, et dès-lors l’horizon confus de l’Algérie se débrouilla. Il y eut dans la Régence trois partis et trois pouvoirs : le nôtre sur quelques points de la côte ; celui des Turcs dans l’est, représenté par Achmet ; celui des Arabes dans l’ouest, représenté par Abd-el-Kader. Beaucoup de tribus arabes échappaient cependant à cette répartition, et n’obéissaient à personne. Ainsi faisaient les Kabaïles, dont quelques fractions, néanmoins, s’étaient rattachées à titre d’auxiliaires plutôt qu’à tout autre, soit au bey turc de l’est, soit à l’émir arabe de l’ouest. Quant aux Maures, ils pliaient docilement sous tous les jougs ; les maîtres des villes étaient les leurs.

Telle était la situation des choses, lorsque survinrent les deux grands évènemens qui nous ont fait en Afrique la situation que nous y avons aujourd’hui : le traité de la Tafna d’abord, la prise de Constantine ensuite.

Sur quatre provinces dans lesquelles se subdivise la Régence, le traité de la Tafna règle le sort de trois ; par ce traité, la France se réserve, dans la province d’Oran, les villes d’Oran, d’Arsew, de Mostaganem, avec leur territoire ; dans celle d’Alger, la ville de ce nom avec son territoire, borné à l’ouest par le cours de la Chiffa, Coléah compris, au sud par les crêtes de la première chaîne du Petit-Atlas, et s’étendant à l’ouest jusqu’à l’Oued-Kaddara et au-delà. Le traité remet à l’administration d’Abd-et-Kader le surplus de ces deux provinces et toute celle de Titery, sous la réserve qu’il reconnaîtra notre souveraineté, qu’il laissera le commerce libre entre ses sujets et les nôtres, et que tout celui des siens avec le dehors passera par les ports de la côte occupée par les Français.