Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/611

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
607
POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE.

contre nous. Les tribus qui s’étaient rapprochées de la France étaient découragées et punies par l’émir ; des villes compromises dans notre cause étaient livrées ; le traité conseillait nettement à toutes les populations de ne point faire résistance à l’émir et de se soumettre à son autorité. Lui, profitant d’une position si favorable, l’exploitait avec avantage pour lui, avec mépris pour nous. Il violait le traité, et quand on le lui reprochait, il répondait qu’il n’était pas le maître, et qu’il devait céder aux volontés de son peuple. Il nous enviait les faibles populations restées sur notre territoire, et les pratiquait ouvertement. Ses émissaires travaillaient jusqu’aux Maures d’Alger, jetant des scrupules dans leur conscience, et les engageant à venir, avec leurs richesses, se rallier au nouveau chef des croyans. Sans doute la pacification avait aussi pour nous des avantages, et n’était pas, sous quelques rapports, sans inconvéniens pour l’émir. Mais ce vide fait autour de nous par l’action d’Abd-el-Kader, mais cet abaissement de notre puissance devant la sienne, mais ce découragement dans nos amis, mais cette nécessité imposée à nos ennemis de se soumettre à un seul chef, mais cette opinion confirmée partout, que si nous ne voulions pas abandonner l’Afrique, nous ne voulions y garder du moins que des positions maritimes, tout cela était fatal, tout cela l’eût été beaucoup plus encore, si la prise de Constantine n’était venue à propos arrêter dans l’opinion des indigènes les progrès du mal.

En considérant ces deux grands évènemens, le traité de la Tafna et la prise de Constantine, et en observant leurs effets, si faciles à prévoir et si contradictoires, on serait tenté de croire qu’ils émanèrent de deux politiques différentes. On se tromperait : ils n’émanèrent d’aucune, car alors la France n’en avait point encore. Elle n’a commencé à en avoir une qu’après. Ce sont ces deux évènemens, ce sont leurs conséquences, ce sont les questions qu’ils ont soulevées, qui ont enfin amené le cabinet à réfléchir sur l’Afrique et à y adopter un plan de conduite. Nous allons passer en revue ces questions telles que nous croyons les entrevoir. Elles sont encore sur le tapis, elles attendent des chambres une solution implicite. Nous les traiterons donc au présent, comme si elles étaient encore à résoudre. On voudra bien ne pas en conclure qu’elles en soient encore là dans la pensée du cabinet. Le cabinet est admirablement représenté en Afrique ; il est le premier qui s’en soit sérieusement occupé ; la supposition serait donc parfaitement injuste.

Commençons par Constantine. Cette ville étant à nous, et toutes