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DE LA SOUSCRIPTION DIRECTE.

quarante pour cent. Des conditions aussi précises et en même temps aussi sévères doivent avoir pour effet de restreindre le champ ouvert à l’agiotage ; mais elles n’excluent point et ne peuvent pas exclure la spéculation.

Les compagnies qui ont pris l’initiative, s’attribueront peut-être le mérite de ces résultats. Elles n’ont fait cependant que s’associer, à propos, au mouvement général qui tend aujourd’hui à mettre directement en présence les capitalistes et les entrepreneurs de travaux publics ; car ce n’est pas seulement en France que des souscriptions ouvertes, à l’exemple de l’Angleterre, pour l’exécution des chemins de fer, se remplissent en peu de jours. En Allemagne, l’entreprise du chemin qui doit lier Hambourg à la Bavière et au Rhin supérieur, a déjà réalisé son fonds social ; à Vienne, l’ouverture de la souscription pour la ligne de Vienne à Raab a donné lieu à une véritable mêlée, avec escalade et effusion de sang, tant était grand l’empressement du public.

En France, les souscriptions de ce genre qui ont réussi, montrent assez tout ce que l’on peut faire par l’association des petits capitaux. Elles ont produit un phénomène analogue à celui que présenta la Bretagne au moment de la refonte des pièces démonétisées de 3 et de 6 francs, lorsque les écus semblaient sortir de terre, et que des richesses long-temps enfouies étaient rendues à la circulation ; car, si elles n’ont pas créé les capitaux, elles les ont certainement révélés.

En fait, les entreprises de chemins de fer ont cessé d’être des questions de crédit ; elles n’ont plus le même besoin de l’assistance des banquiers, leur providence autrefois. Le rôle de ceux-ci est changé : d’entrepreneurs qu’ils étaient, ils deviennent de simples dépositaires ; au lieu de prêter leurs capitaux ou leur crédit, ils empruntent bien réellement les fonds que versent dans leurs caisses les souscripteurs. Les banquiers, dans les affaires de chemins de fer, ne font plus que les fonctions de caissiers du public. Il y a toute une révolution dans les circonstances que nous signalons.

Aucun système ne peut s’établir, sans heurter des habitudes prises ou des préjugés reçus. On élève des objections contre le mode de la souscription directe. On prétend qu’en supprimant l’intermédiaire obligé des banquiers, c’est une garantie d’exécution et de bonne administration que retranche le procédé nouveau. On craint que, dans le nombre des souscripteurs, les actionnaires sérieux, les capitalistes, ne forment l’infinie minorité, et que la plupart n’aient uniquement en vue un bénéfice à réaliser dans les huit premiers jours de l’é-