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DE LA SOUSCRIPTION DIRECTE.

fixe, elle se trouve bientôt à la merci de ses créanciers. En Angleterre, toutes les banques particulières ont pour réserve des billets de la banque nationale, qui engage elle-même ses fonds dans la dette flottante ; ce n’est pas la banque, c’est le gouvernement qui prête à l’industrie, dans ces entreprises colossales de chemins de fer que nous cherchons maintenant à imiter.

Dans une panique, les spéculateurs qui ont acquis ou gardé une grande masse d’actions sont réduits à les vendre précisément lorsqu’il ne se présente pas d’acheteurs. Il faut alors réaliser à tout prix. Les petits capitalistes, au contraire, qui ont souscrit directement et qui ont pris des actions pour les conserver comme les titres d’une nue propriété, titres improductifs jusqu’à l’achèvement des travaux, ne sont nullement obligés de s’en défaire lorsque ces valeurs sont dépréciées ; car la privation temporaire de l’intérêt était sans doute entrée dans leurs calculs.

La question de savoir lesquels, des spéculateurs ou des détenteurs réels, résistent avec le plus de fermeté à une bourrasque commerciale, est une difficulté sur laquelle l’expérience a déjà prononcé. On peut appliquer, par analogie, au mouvement des valeurs industrielles, les leçons que présente depuis quinze ans le mouvement des fonds publics. Il est d’observation que toute crise, toute panique agit plus fortement sur le trois pour cent que sur le cinq. Or, le 3 pour cent est le fonds de la spéculation, il présente une masse considérable de rentes flottantes ; le 5 pour cent, au contraire, est le fonds des rentiers, et ne se compose guère que de rentes classées. Eh bien entre les souscriptions à forfait et les souscriptions directes, dans les entreprises de chemin de fer, il y a toute la différence d’une valeur flottante à une valeur classée dans les mains des rentiers.

Les banquiers, en soumissionnant un chemin de fer, agissent comme des courtiers qui s’informent beaucoup moins de la valeur réelle que des chances qu’elle présente pour le placement immédiat. Pour le public des souscripteurs, la valeur vénale n’est qu’une considération très secondaire ; ce qu’il leur importe principalement, c’est que l’entreprise, une fois en plein rapport, donne de véritables produits.

Si quelques grands capitalistes se trouvent bien placés pour entreprendre des chemins de fer, ce sont, non pas les banquiers, mais les chefs de l’industrie, les maîtres de forges, les propriétaires de mines ou de bois. Ceux-là peuvent garder les actions qu’ils auront souscrites, parce qu’ils ont un intérêt réel à l’établissement d’une