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CHAMBRE DES PAIRS.

à l’atteindre par de nouveaux impôts. La réduction qu’on veut faire subir aux rentes 5 pour 100 n’est au fond qu’un impôt déguisé, et qui semble d’autant plus onéreux qu’il est plus détourné et plus imprévu[1]. Mais le moment n’est pas loin peut-être où l’on se demandera s’il ne vaut pas mieux regarder le problème tout entier en face, et se mettre à étudier la propriété mobilière comme un fait nouveau et fondamental, pour lequel on ne saurait séparer les droits politiques des charges pécuniaires. Aujourd’hui le champ est beaucoup plus circonscrit. Il ne s’agit que du parti que prendra la chambre des pairs à l’égard de la proposition de la chambre des députés. On peut penser qu’elle ne rejettera pas le principe, et que si elle adoptait, en la modifiant, la proposition en elle-même, elle repousserait l’article 7, empiètement véritable sur la prérogative constitutionnelle du pouvoir exécutif ; enfin, que si elle écarte la proposition tout entière, elle se décidera surtout par la considération de l’inopportunité.

Ici l’initiative du gouvernement est nécessaire et doit être respectée. Veut-on que le président du conseil monte à la tribune pour discuter la faveur des circonstances et des conjonctures où nous pouvons nous trouver vis-à-vis de l’Europe, l’opportunité, en un mot ? Qui mieux que la chambre des pairs peut exposer au pays ces raisons politiques ? Elle aura cette noble attitude de ne rien repousser avec vivacité, de tout entendre, de tout peser, de donner de sa décision des motifs considérables et pertinens. Si elle estime que, dans la mesure proposée, quelques préjugés étroits et des espérances exagérées obscurcissent le vrai, elle donnera ses avis avec cette modération calme qu’inspirent toujours l’expérience et les lumières.

Au surplus, dans la pratique, la conversion n’aura pas tous les résultats qu’on en attend de part et d’autre. Elle n’amènera ni perturbation ni âge d’or. Il y a une pénétration réciproque de tous les intérêts qui saura bien empêcher une commotion profonde. L’importance de la conversion à nos yeux n’est pas dans la mesure même et dans ses effets immédiats, mais dans les dispositions sociales qu’elle indique.

Dans les deux ou trois premières années qui suivirent la révolution de 1830, on pouvait croire à l’imminence de la guerre. Plusieurs manières et plusieurs occasions de la faire se présentèrent : une guerre révolutionnaire, une guerre politique, étaient possibles. Mais les évènemens et les sociétés européennes ont pris un autre cours. Toute l’activité qui devait courir aux armes a reflué vers les travaux

  1. Ce point se trouve expliqué avec beaucoup de sagacité dans une brochure intitulée : La Conversion, c’est l’impôt.