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la seconde édition est curieuse sous ce rapport, parce que, encouragé par le succès, l’auteur se livre avec plus d’abandon à toute la chaleur de son indignation patriotique contre la Russie. « Peu de mois se sont écoulés, dit-il, depuis la publication de ces volumes ; mais tel a été l’intérêt excité par la guerre d’extermination que les hordes rapaces de la Russie livrent actuellement aux tribus indépendantes de l’isthme caucasien, que ce court espace de temps a suffi, grace à la presse libre d’Angleterre et de France (et j’espère aussi à mes propres efforts), pour porter jusqu’aux extrémités les plus reculées du globe des notions précises sur l’état réel de ce malheureux pays. Cette lutte inégale, si honteuse pour l’agresseur et si glorieuse pour le noble peuple qui, sans secours étrangers, résiste avec succès, depuis plus de cinquante ans, à ses inexorables ennemis, a intéressé en sa faveur non-seulement les hommes politiques de toutes les opinions dans notre patrie, mais les hommes humains et éclairés de tous les pays. Les patriotiques efforts de ces braves montagnards sont appréciés comme ils méritent de l’être, et leur cause a conquis la sympathie des hommes libres dans toutes les parties du monde ; car à Paris comme à Vienne, à Berlin et à Naples comme à Madrid, la Circassie est un sujet qui revient dans toutes les conversations ; on forme les vœux les plus ardens pour le succès définitif de ses armes, pendant que l’oppresseur qui voudrait l’anéantir est flétri de toutes les épithètes que mérite la cruauté tyrannique. »

Immédiatement après ce début, M. Spencer passe à l’affaire du Vixen ; il gourmande la faiblesse du gouvernement britannique, qui n’a pas exigé de réparation pour cette audacieuse insulte au pavillon national, et s’indigne surtout contre lord Durham, qui, cajolé par le rusé moscovite, n’a envoyé au Foreign-Office que des renseignemens inexacts. Il affirme, contrairement aux dépêches du noble ambassadeur, qu’il n’y avait dans la baie de Soudjouk-Kalé aucun point fortifié occupé par les Russes, lorsque le Vixen s’y est présenté, d’où il conclut que la saisie de ce navire a été un véritable acte de piraterie. Il compare en gémissant les ministres actuels à ces ministres anglais des époques antérieures, si fiers, si énergiques, si susceptibles sur ce qui touchait à l’honneur anglais ; puis, dans une péroraison que nous citerons presque en entier, il invoque une démonstration de l’Angleterre en faveur des Circassiens, et s’efforce de prouver la légitimité et la nécessité de cette intervention, qu’il réclame à la fois au nom de l’humanité et des intérêts commerciaux de la Grande-Bretagne.

« Toute la presse ministérielle, dit-il, si violente quand la question