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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

du Vixen fut agitée pour la première fois, est devenue muette comme la tombe, connaissant bien l’erreur et les difficultés dans lesquelles l’imprudence de lord Durham a jeté ses collègues. Pendant ce temps, notre grand ennemi, après nous avoir jeté aux dents le gant du défi, après avoir trompé notre ambassadeur, poursuit sans empêchement ses projets d’agression et d’agrandissement, non-seulement dans le Caucase, mais dans les déserts reculés d’Hérat, dans le gouvernement d’Oude, etc. : dans ces divers pays, et même dans nos possessions de l’Inde, il ne s’est pas fait scrupule de nouer des intrigues politiques pour exciter des mouvemens insurrectionnels, dans le but d’affaiblir notre pouvoir en Orient. C’est pourtant là l’ami de cœur de notre ambassadeur, qui porte aux cieux sa générosité et sa magnanimité ! Grace à lui, les Circassiens, une nation indépendante de près de quatre millions d’ames, sont laissés à la merci de leur impitoyable ennemi. Quoiqu’ils aient offert plus d’une fois de se mettre sous la protection de la Grande-Bretagne, leurs avances sont restées sans réponse. Et quel pouvoir sur la terre pourrait contester notre droit d’accepter ces propositions, si l’on juge la question suivant les lois qui régissent les rapports entre nations indépendantes ? Le gouvernement turc reconnaît que le Caucase occidental n’a jamais fait partie de ses états : cette déclaration est confirmée, non-seulement par les imprimés officiels du gouvernement russe, mais par l’acte même de la guerre actuelle ; et si nous examinons les dépêches des généraux russes et les proclamations officielles adressées aux Circassiens par le ministère de la guerre, nous verrons que ces peuples ne sont jamais traités en sujets rebelles à l’empereur, mais en tribus indépendantes. J’ai fait voir, dans ce livre, que la Russie ne possède rien dans le pays, si ce n’est quelques forteresses au bord de la mer, qu’elle ne peut défendre qu’avec une grande dépense d’hommes et d’argent.

« Je voudrais savoir à quel titre la Russie s’arroge le droit de contrôle sur la navigation de la mer Noire. Le mot même dément ses prétentions. Les mers, les océans sont-ils autre chose que des grandes routes destinées par la nature à établir des rapports entre les nations éloignées ? Quand même elle posséderait ce qu’elle travaille si activement à conquérir, le littoral entier de cette mer, quand elle l’aurait peuplé de soldats et hérissé de forteresses, sa dictature dériverait de la force et non du droit. Mais dans l’état actuel des choses, quand elle n’a de prétentions légitimes à faire valoir que sur quelques lieues de la côte septentrionale, il est difficile de dire ce qui doit le plus exciter la surprise, de la hardiesse d’une puissance qui s’arroge un tel privi-