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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

l’accompagnent souvent, reçoivent une éducation très soignée, et il y a tout lieu de croire que son successeur, nourri dans ses idées, marchera dans les mêmes voies. Il était alors question de faire voyager ces jeunes princes, quoique le Coran défende absolument aux membres de la famille du padischah de quitter l’empire, si ce n’est pour aller exterminer les infidèles : ils devaient aller visiter les îles grecques de l’Archipel. De proche en proche, M. Spencer voit déjà l’héritier du trône ottoman rendant visite à la reine Victoire, et il assure qu’il était fort question d’un voyage en Angleterre. Il est, du reste, fort porté en faveur de Mahmoud : il énumère les bienfaits dont son peuple lui est redevable, l’ambition et la rapacité des pachas réprimées, les exactions sévèrement punies, la justice, autrefois si corrompue, soumise à un meilleur régime, l’hérédité de la propriété assurée par les lois, et le monarque renonçant au droit de la couronne sur les biens des ministres et pachas décédés, l’imposition de taxes régulières, l’établissement d’une imprimerie et d’un journal à Stamboul, l’organisation des écoles militaires, enfin les efforts tentés pour créer une armée. « Mais, ajoute-t-il, il y a encore beaucoup à faire, car quoique ce corps de bandits dont les atrocités seront long-temps un souvenir d’horreur, ait cessé d’exister, un autre corps plus puissant reste à soumettre : je veux parler des prêtres. Ceux-ci, armés du livre du prophète et de la loi, possesseurs du pouvoir spirituel et temporel, redoutables par l’intelligence et l’habileté, opposent de sérieux obstacles à l’œuvre du monarque réformateur ; et tant que cette masse gigantesque de préjugés et de superstitions ne sera pas balayée, tant que leurs priviléges exclusifs ne seront pas abolis, la civilisation de la Turquie n’avancera guère…

« Quoique les efforts du sultan, eu égard au peu de temps qui s’est écoulé depuis qu’il a commencé ses réformes, aient amené des résultats frappans dans l’armée, la masse du peuple ne s’est pas améliorée au même degré ; ses progrès n’ont pas répondu à l’activité déployée par son entreprenant souverain pour le régénérer ; car, excepté chez les jeunes gens des écoles militaires, il est rare de voir des témoignages d’un véritable enthousiasme patriotique. Parfois, il est vrai, on rencontre quelques esprits ardens qui brûlent de mesurer leurs armes avec celles de l’odieux Moscovite ; mais en général les Turcs du temps actuel ont pour caractère l’apathie et l’indolence, et se distinguent fréquemment par leur attachement à des vices dégradans qui les rendent méprisables aux yeux d’un Européen à l’ame élevée. Si l’on visite leurs fortifications, leurs arsenaux ou leurs vais-