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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

vinces limitrophes russes ou turques : c’était de cette ville que partaient les caravanes. Le marchand, ne pouvant supporter tant de restrictions vexatoires, a porté son capital et son industrie au gouvernement plus libéral du sultan, et s’est établi à Trébisonde. Ainsi le gouvernement russe a la double mortification de voir le commerce, ce grand civilisateur des nations, transféré à un pouvoir qu’il est de son intérêt d’affaiblir, et ses provinces orientales laissées à leurs propres ressources très insuffisantes. Depuis lors, averti par de pareils résultats, il a fait des efforts infructueux pour rétablir des rapports commerciaux entre Redoute-Kalé et les marchands européens qui y venaient autrefois, et il a institué un système plus libéral. Mais ce plan n’a pas réussi, comme il arrive quand le commerce a une fois changé de route. Il y a en outre un autre obstacle insurmontable à la prospérité de cette ville, c’est la fièvre qui y règne, surtout pendant l’automne, où l’air méphitique exerce une influence si rapide, que l’étranger est à peu près certain d’en recevoir l’atteinte pour une seule nuit passée dans ces murs infectés. Pour échapper à cette influence, les marchands étaient obligés d’aller passer la nuit à bord de leurs navires ; et, à défaut d’autres preuves, la pâleur et la bouffissure des soldats de la garnison indiquaient assez les propriétés nuisibles de l’air.

« L’essai tenté pour rappeler le commerce à ce port ayant été infructueux, il est question de déclarer port franc Pothi sur le Phase, qui est plus rapproché de vingt ou trente lieues de la frontière turque : on espère ainsi supplanter Trébisonde. Toutefois je doute beaucoup que ce plan réussisse ; car les navires entrant dans le Phase trouvent une barre aussi peu profonde et aussi incommode que celle du Khopi, et la ville de Pothi, ayant des marécages dans son voisinage, est aussi considérée comme un lieu malsain. »

M. Spencer remarque qu’en Mingrélie, de même que dans les autres provinces du Caucase, les nobles et les paysans ne sortent jamais sans être armés ; et comme ce privilége n’est pas ordinairement accordé aux sujets de la Russie, il en conclut que son pouvoir n’est pas pleinement établi dans ce pays, ou qu’elle y possède seulement une espèce de suzeraineté féodale qui laisse aux habitans leur indépendance… « Quoi qu’il en soit, dit-il, leur condition s’est considérablement améliorée, sous bien des rapports, depuis qu’ils sont soumis à son sceptre. Ils ne sont plus exposés aux incursions dévastatrices de leurs voisins les Turcs et les Persans. La propriété est respectée, et il n’y a plus de pacha rapace pour enlever au paysan le