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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

richesse et en prospérité, à cause du patronage de son fondateur le duc de Richelieu, et de celui du gouverneur-général actuel, qui l’a embellie d’un superbe palais et qui possède d’immenses propriétés dans les environs.

« Quand on pense qu’Odessa fut le premier port possédé par la Russie sur la mer Noire, on ne peut s’empêcher d’être surpris de l’activité d’une puissance qu’on peut dire aujourd’hui maîtresse de toute cette mer, y compris l’embouchure du Danube, cette position si importante, qui est, dans l’opinion de tous les Russes éclairés, le lieu de l’empire le plus favorable pour l’établissement d’une ville de commerce. Ceci vient, non-seulement de l’excellent ancrage qu’on y trouve, mais encore de la facilité qu’il y a à communiquer avec le reste de l’empire par des canaux et des chemins de fer ; et la principale raison est que cette position est la clé de tout le commerce des fertiles contrées arrosées par le Danube. Le gouvernement russe, qui ne s’endort jamais sur ses intérêts, a déjà commencé à y bâtir un lazaret, malgré les menaces et les traités. Je connais les Russes, et vous prédis que ce lazaret sera bientôt suivi d’une ville ; car s’ils trouvent là quelque chose à gagner, ils ne manqueront pas de s’assurer de plus importans avantages. Quand ceci sera fait, la Hongrie, comme la Moldavie et la Valachie, deviendra probablement une province russe, et l’Allemagne ne sera plus entre ses mains qu’un jouet dont elle s’amusera à sa volonté. »

Nous tirerons encore du chapitre concernant Odessa quelques détails sur cette ville et sur le commerce russe dans la mer Noire. Odessa est une ville très remarquable, si l’on pense qu’en 1792 ce n’était qu’un village insignifiant habité par quelques Tartares, tandis qu’elle a maintenant une population d’environ soixante mille ames et possède tous les établissemens qui caractérisent un port de mer important. On peut à peine l’appeler une ville russe, ses habitans étant principalement des Juifs, des Grecs, des Italiens, des Allemands, et en outre quelques Français et quelques Anglais. Deux choses très essentielles, l’eau et le bois, manquent à Odessa : l’eau qu’on trouve dans les puits est saumâtre, et le pays environnant est entièrement dépouillé d’arbres, en sorte que les riches se chauffent avec de la houille de Newcastle, et que les pauvres sont obligés de brûler, comme les Tartares, la fiente des bestiaux. Le climat, en outre, est assez malsain : l’hiver est très froid, et en été le thermomètre monte souvent à trente degrés Réaumur. La baie d’Odessa est en général gelée du mois de décembre au mois de février, ce qui est un obstacle au com-