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laire, de faire toucher au doigt le grand problème de tant de douleurs, et de révéler à la France une solidarité dont la portée a été si malheureusement méconnue ; c’est, en effet, dans les affaires d’Espagne qu’est la déplorable et seule lacune du système en général bien lié de nos transactions diplomatiques depuis 1830. L’Espagne et le Portugal nous occuperont comme la triste énigme du XIXe siècle ; enfin nous consacrerons aux autres questions européennes des développemens mesurés sur l’intérêt français qui peut s’y trouver engagé. »

Avant d’attacher quelques remarques à chaque monographie politique de M. de Carné, constatons les changemens profonds qui ont atteint tout ce qui touche à la diplomatie. Cette révolution a commencé avec la disparition de l’empire. Si Napoléon dut sa ruine plus peut-être à la diplomatie de ses ennemis qu’à leurs armées, on peut dire qu’il s’en vengea par sa chute même, qui changea profondément l’Europe et la nature des relations entre les peuples et les gouvernemens. La liberté lui succéda ; vinrent avec la liberté les débats publics, la notoriété des choses au moment où elles s’accomplissaient. Après la dictature napoléonienne, la divulgation, de toutes les pensées et de tous les actes des gouvernemens fut inévitable ; nous avons vu pendant quinze ans, de 1815 à 1830, les projets des cabinets absolus à moitié détruits par cela seuls qu’ils étaient connus, et la lumière déconcertait la force. Depuis huit ans, les progrès de la publicité et de la discussion, en ce qui touche les transactions diplomatiques, ont reçu une impulsion nouvelle ; le secret semble aboli dans les affaires humaines ; on sait beaucoup, on devine le reste, et on discute sur le tout.

Les journaux publient les traités et les actes internationaux ; les publicistes les critiquent et les peuples les jugent. Nous ne connaissons pas, à la presse vraiment politique, de plus utile et de plus noble ministère que de porter les lumières de l’histoire et du droit public dans l’examen des transactions diplomatiques. C’est l’intervention de l’intelligence entre les gouvernemens et les peuples.

La Belgique a été, pour M. de Carné, l’objet d’une étude historique forte et solide. Après quelques pages brillantes où l’histoire de la Flandre est esquissée à grands traits, l’écrivain s’exprime ainsi : « En méditant sur les changemens qu’aurait entraînés, dans la constitution de l’Occident, l’établissement d’un royaume de Bourgogne, au XVe siècle, on est conduit à regretter amèrement qu’une telle œuvre n’ait pas été comprise, ou qu’elle ait échoué contre les cir-