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des partisans, à étendre leurs attributions, et fatiguant le royaume par leur lutte sourde et leurs continuels tiraillemens. Si le roi était le plus fort, l’aristocratie courbait la tête ; mais au premier changement de gouvernement, à la première apparence de faiblesse, elle reparaissait avec le souvenir de l’injure qu’elle avait reçue et le désir ardent de se venger. Gustave Wasa la gouverna par sa sagesse ; Charles XI la dompta avec sa main de fer ; Charles XII la traita avec un dédain de héros. Elle se releva à l’avènement d’Ulrique Éléonore au trône, et réduisit la royauté à un état de nullité complète. Le pouvoir qu’elle s’était arrogé se prolongea pendant tout le règne d’Ulrique, de Frédéric Ier et de Frédéric-Adolphe. Elle s’affaiblit elle-même par ses rivalités de parti et ses dissensions. Elle perdit aux yeux du peuple tout son prestige par ses fausses mesures et sa vénalité. Quand Gustave III parut, il leva sur elle son sceptre de jeune roi, et le sénat orgueilleux, qui la veille encore lui prescrivait des lois, trembla de se sentir si faible et s’inclina humblement devant lui.

Nous ne faisons qu’indiquer ici les principaux évènemens de cette chronique du Nord. Nous y reviendrons plus tard.

Peu d’histoires sont aussi variées, aussi dramatiques que celle de Suède. La première époque surtout, l’époque païenne, et celle de l’union de Calmar jusqu’à la souveraineté bienfaisante de Gustave Wasa, sont une suite continuelle de discordes intestines, de guerres passionnées et de calamités publiques.

Dans cet état permanent d’anarchie, dans cette misère de tout un peuple qui ne trouvait encore dans son commerce et son agriculture qu’une ressource insuffisante à ses besoins, les lettres, les arts, les institutions pacifiques ne pouvaient que surgir avec peine et se développer très lentement. Le flambeau lointain de la civilisation apparaissait au milieu de cette barbarie comme le rayon douteux d’une étoile au milieu des nuits sombres du Nord. Une heure de calme, une ligne d’azur dans le ciel, la laissent apparaître, puis un nuage revient et la dérobe à tous les regards.

Le christianisme, prêché par saint Ansgard au IXe siècle, ne prit racine en Suède qu’au XIIe. Au XIe, les païens offraient encore, dans le temple d’Upsal, des sacrifices aux dieux scandinaves et massacraient dans la forêt saint Étienne. Lorsque les missionnaires eurent enfin vaincu le culte scandinave, lorsqu’ils eurent converti les nobles et converti le peuple, ils fondèrent, comme partout, des cloîtres et des écoles. Mais ces écoles étaient mal gouvernées et peu fréquentées. Le cri de guerre résonnait trop souvent à la porte des couvens, pour ne pas ébranler dans leur retraite l’humeur belliqueuse de tous ces hommes issus d’une race de pirates et de soldats. Les enfans de Suède, élevés comme des aiglons dans l’indépendance de leurs montagnes, sentant leur force et leur audace, se résignaient difficilement à se courber sous le poids de la discipline monastique, tandis qu’ils pouvaient courir les chances glorieuses d’une bataille, et ceux qui avaient reçu la consécration de prêtre, ou revêtu le froc, ne renonçaient pas à porter la cotte d’armes. Dans ce temps-là, le monastère avait ses créneaux, les religieux se défendaient