Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/870

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
866
REVUE DES DEUX MONDES.

tionnel que son goût, son élévation, sa science politique, sont allés en voyage. Nous souhaitons que la tempête et l’orage les épargnent, et qu’elles nous reviennent, mais en des lieux où tant de qualités seraient moins déplacées. Toutefois nous n’imiterons pas ce que nous blâmons, et nous ne rechercherons pas quels noms se dérobent sous les articles que publie le Constitutionnel. C’est une inconvenance qu’il a commise à notre égard, et nous croyons de notre droit de la lui interdire, comme c’est le sien de nier que tel ou tel écrivain, dont on a bien voulu lui faire honneur, coopère à sa rédaction. La liberté de la presse est assez grande pour tous, ce nous semble, sans aller aussi loin. Quand le Constitutionnel examine les titres de tous les membres de la Légion-d’Honneur nouvellement nommés, et s’élève contre la nomination de juges-de-paix et de maires de communes, nous nous contentons de rire de ce dédain aristocratique qui lui convient peu, et nous ne demandons pas si quelque nomination que ne motivent ni les services rendus à l’état, ni le mérite littéraire, n’a pas été favoriser quelqu’un de ses intéressés. Nous nous en tenons à la discussion des principes, nous nous bornons à réfuter ceux du Constitutionnel, quand l’occasion se présente, et nous réclamons une juste réciprocité.

Ceci nous amène à parler d’un article publié récemment par un journal du soir, la Charte de 1830. Il y était dit, et d’un ton tout-à-fait ministériel, que certains journaux, ayant supposé que le dernier article de la Revue des Deux Mondes, sur la question belge, était écrit ou dicté par M. le président du conseil, on devait déclarer que le ministre des affaires étrangères n’a, dans la presse, aucun organe qui soit le dépositaire ou le confident de sa pensée.

Cette protestation nous semble parfaitement inutile. En tous les temps, les ministres ont passé pour avoir des relations avec les journaux ; certaines feuilles ont été même désignées comme renfermant l’expression de leur pensée, mais rarement on a vu des ministres prendre la peine de démentir ces bruits, soit qu’il leur semblât que leurs pensées étaient bonnes à connaître, soit qu’ils tinssent pour superflu de contredire des assertions hasardées.

Le journal ministériel du soir ajoutait : « M. le comte Molé n’a, dans la presse hebdomadaire ou quotidienne, aucun organe qui soit le confident ou le dépositaire de sa pensée. » Or, à moins que la Charte ne fasse partie ni de la presse hebdomadaire, ni de la presse quotidienne, l’article qu’elle publie ne peut émaner de M. le comte Molé. Nous le tenons pour vrai, cependant ; M. Molé ne confie sa pensée à aucune feuille, et nous ne voulons pas croire qu’il aurait daigné prendre la plume pour écrire dans un journal, et pour y dicter un article qui ne se trouverait ainsi qu’une fiction, dans le moment même où l’on déclare que M. le président du conseil n’a aucune relation, ni verbale, ni écrite avec les journaux. Nous avons eu beau retrouver l’article de la Charte de 1830 dans le Moniteur, nous ne croirons pas qu’il émane de M. Molé tant que nous ne le lirons pas dans la partie officielle.

Aucun journal n’a donc la pensée de M. Molé, pas même la Charte, qui parle en son nom. Ce n’est pas nous, assurément, qui nous porterons à l’en-