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de ce Farnèse. De grandes ressources dans l’esprit, une patience inaltérable pour attendre l’accomplissement de ses désirs, une confiance superstitieuse dans l’astrologie, sont les principaux traits de son caractère. Quant à sa politique, il ne désira jamais que l’Allemagne protestante fût entièrement vaincue. Il fait des vœux pour l’électeur Jean-Frédéric contre Charles-Quint ; il exhorte François Ier à ne pas abandonner la cause de la réforme allemande, tant il redoute la prépondérance impériale ! Il se montre partisan enthousiaste de l’alliance française ; il médite une coalition entre la France, la Suisse et Venise. Cette politique ne démontre-t-elle pas que la cause de la spiritualité catholique n’absorbait pas la pensée des papes ?

Après Jules III, qui tenait au contraire le parti de l’empereur, et qui se hâta d’abandonner le soin des affaires pour une vie de plaisir ; après Marcel II, qui mourut le vingt-deuxième jour de son pontificat, Paul IV se montra, à soixante-dix-neuf ans, ardent pour la réforme de l’église et contre la domination espagnole. Il invoqua contre le roi catholique non-seulement les protestans, mais Soliman Ier ; il échoua, et fut contraint, par l’épée du duc d’Albe, d’appeler Philippe II son ami. Malheureux dans ses desseins politiques, Paul IV revint à la pensée de la réforme de l’église ; il favorisa l’inquisition. Le fanatisme de ce vieillard souleva contre lui la population romaine, qui traîna sa statue dans le Tibre.

Son successeur, Pie IV, est au contraire plein de douceur et de bonté. Simple dans ses mœurs, enjoué dans ses propos, il désire surtout la paix ; il ne veut pas de guerre contre les protestans. Il paraît convaincu que le pouvoir des papes ne peut se maintenir sans le concours et l’autorité des princes. Voilà du bon sens et de la bonhomie.

Le parti qui, dans le sacré collége et dans Rome, s’attachait à une discipline rigoureuse, nomma un pape plus austère et plus dur, Pie V. L’inquisition reprit alors une activité nouvelle, et promena ses rigueurs sur les savans et les lettrés. Les sentences criminelles ne furent jamais adoucies. Pie V acquit une grande autorité sur l’Espagne et le Portugal ; il réunit les Vénitiens et les Espagnols contre les Turcs, et fit rejaillir sur la papauté la gloire de Lépante. Il approuva toutes les violences du duc d’Albe ; il songea à une expédition contre l’hérétique Angleterre. Il y avait dans ce pape quelque chose du saint, beaucoup de l’inquisiteur, un peu de l’homme d’état.

Les jésuites s’emparèrent rapidement de l’esprit de Grégoire XIII, et l’engagèrent à rivaliser d’édification avec Pie V. Son administra-