Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
REVUE DES DEUX MONDES.

et le seigneur Pagolo Orsini. Cependant il ne s’agissait plus de quelque condottiere, mais de peuples, d’idées, de conscience ; mais ces hommes ne comprenaient rien ni aux peuples, ni aux idées, ni à la réforme, et ils continuaient à admirer Catherine de Médicis, le duc d’Albe et les rois d’Espagne, comme Machiavel avait admiré Borgia et Guicciardini les Médicis. — Les nombreuses cours d’Italie au XVIIe siècle ne sont plus les centres de la civilisation italienne ; les princes n’ont plus de luttes nationales à soutenir, ils vont guerroyer dans les armées de l’Espagne ou de l’empereur. S’ils aiment les plaisirs, ils les aiment détachés de l’art ; ils vont se ruiner au carnaval de Venise comme les Mirandola et les Gonzagues, ou ils s’entourent de danseuses et de favoris comme les derniers Médicis. Dans l’intérieur des villes, l’industrie du XVIe siècle disparaît ; en revanche les nobles de Naples et de Rome se livrent des batailles rangées dans les rues ; d’autres dans la plaine de Lombardie, comme s’ils étaient en plein moyen-âge. L’art se perd au milieu d’une société décrépite : cette société essaie parfois de se ranimer en imitant les allures originales de la littérature espagnole ; mais elle ne peut se résoudre ni à quitter les vieilles formes classiques, ni à suivre l’élan de la littérature romantique. Marini représente l’embarras de cette situation ; il mêle les couleurs de la Grèce à celles de l’Espagne, les dieux de l’Olympe aux grands de première classe, finissant par faire de Vénus une grande dame espagnole et du temple de Gnide une église avec son clocher et ses chanoines. Les imitateurs de Marini ne conçoivent plus le sublime que dans l’exagération ; pour eux, le Vésuve est l’archiprêtre des montagnes. Plus tard la littérature repousse ces images étranges, on fait un dernier appel au vieil art classique, on suit même l’exemple des écrivains français du siècle de Louis XIV ; mais cela n’aboutit qu’aux pâles imitations de l’Arcadie de Rome et aux vides mélodies de Métastasio.

La langue, ce premier lien de la nationalité italienne, s’alourdit, elle se traîne péniblement de période en période, elle n’a plus la force ni de soutenir les naïves inversions du latin, ni de suivre les constructions logiques du français ; elle cesse d’être la langue des plus grands poètes de la péninsule. Tandis que les écrivains nationaux, à partir du XVIe siècle, diminuent dans une proportion effrayante, on voit surgir de tous côtés une foule de poètes qui s’inspirent du patois ; chaque municipe va avoir ses grands hommes et sa littérature ; Gritti à Venise, Cortesi à Naples, Cavalli à Gênes, Aglioni à Turin, Maggi à Milan, fleurissent presque en même temps. Bergame, Bologne, Brescia, Vi-