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clamer la faiblesse du gouvernement, et d’annoncer la réalisation de toutes les sinistres prophéties qu’elle faisait à l’époque où fut prononcée l’amnistie. M. Duvergier de Hauranne, dans un écrit dont nous aurons à parler tout à l’heure, ne vient-il pas de renouveler le grief tant de fois élevé contre M. Molé, au sujet du procès des accusés d’avril ? Ne l’accuse-t-il pas d’être le seul des ministres actuels qui n’ait pas combattu, dans les mauvais jours, pour la cause de l’ordre, tandis que M. Molé, comme on l’a dit et prouvé si souvent, n’avait quitté son siége que pour mieux faire constater l’impossibilité de terminer le procès sans disjoindre les causes ; Que serait-ce donc si le ministère reculait devant l’emploi des lois de septembre, dans un cas qui lui semble grave ? Le parti où figure l’écrivain dont nous parlons et ses amis, trouverait-il maintenant que le temps de l’application des lois de septembre est passé, et ses étroites affinités avec les députés du compte rendu l’auraient-elles converti à des idées de conciliation et de tolérance plus larges que le ministère de l’amnistie ne les conçoit ? Chacun peut se convertir, même tardivement, comme bon lui semble, sans craindre d’être blâmé ; mais des hommes raisonneurs et sérieux, tels que les doctrinaires, ne se convertissent pas sans de bonnes raisons, sans doute. Les leurs ne seraient-elles pas que les mauvais jours sont passés ?

Or, assurément, ces mauvais jours n’étaient pas passés, il y a un an, quand, se trouvant au pouvoir, ils ne croyaient pas la législation de septembre suffisante pour réprimer les délits politiques ; quand, repoussant l’amnistie et toutes les mesures de douceur, ils insistaient pour l’adoption de nouvelles mesures, à l’effet de prévenir des complots tels que celui de Strasbourg. Dans ce temps si peu éloigné, la cour des pairs et la législation de septembre étaient encore des ressources trop faibles pour le pouvoir, et c’eût été, à leurs yeux, un acte de modération excessif, et blâmable comme une faiblesse, que de s’en contenter. Si donc, à présent, c’est se montrer excessif dans un sens contraire que d’en appeler à la cour des pairs et à cette législation, c’est, sans nul doute, qu’une grande révolution s’est opérée en France depuis un an, révolution toute pacifique qui n’est certes pas l’ouvrage de l’opposition dont la violence n’a fait qu’augmenter aussi depuis un an. Il s’ensuivrait, de l’aveu même de ceux qui blâment le ministère du point de vue que nous signalons, que l’esprit public s’est modéré en France à mesure que la presse de l’opposition et la minorité de la chambre s’échauffaient, et que les attaques de toutes couleurs, dont le gouvernement est l’objet, ont si peu de consistance aux yeux même des hommes intelligens de l’opposition, qu’ils se croient fondés à blâmer vivement le ministère qui leur donne assez d’importance pour les poursuivre avec les lois de septembre. Cependant on déclare hautement que tout s’en va, que tout est à l’abandon, que les masses sont saisies d’une vague inquiétude, et que le pouvoir ne s’exerce pas ; tout cela en se plaignant d’excès de la part du pouvoir, et en attaquant ces prétendus excès au nom de la tranquillité des esprits et de la profonde paix du pays.