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pereur, dont la tête était aussi ornée de la couronne de Sicile. Le livre de Fazello voyage avec moi, et ses récits sur les Sarrasins, qui ont quelque chose de merveilleux, comme toute leur histoire, sont justement ce qu’il faut pour me distraire du sifflement du vent dans la nuit noire et des gémissemens de mes pauvres compagnons, moins aguerris que moi.

Ce fut au temps de l’empereur Constance que les Sarrasins, partis d’Alexandrie, vinrent à Rhodes, qui était alors une île soumise à l’empire romain. Ils la prirent, brisèrent le fameux colosse de l’antiquité, et emportèrent ses débris d’airain, qui équivalaient à la charge de neuf cents chameaux. Ils continuèrent ensuite leur route par la mer Égée, et pénétrèrent avec la même audace dans les Cyclades. De là, ils vinrent en Sicile, où le fer et le feu signalèrent leur apparition.

Ces Sarrasins se nommaient aussi Ismaélites, Sarrasins de Sara, femme d’Abraham, et Ismaélites d’Ismaël, son fils. Ils furent aussi nommés Agarites, d’Agar, la servante aimée du patriarche ; mais peu à peu le nom de Sarrasins prévalut. Fazello ajoute que cette opinion que les Sarrasins avaient de leur noblesse lui semble fausse, car de Sara naquit Isaac, d’Isaac Jacob, et de celui-ci Judas, d’où les Juifs, et non les Sarrasins. Mais, dit-il, ne nous embarrassons pas si les Sarrasins ont erré en cela, comme ils ont erré sur beaucoup d’autres points : Noi non si curiamo chei Saraceni errino inquesta cosa, siccome hanno anco errato in molte altre, pour me servir du texte de Remigio Fiorentino, le traducteur très naïf aussi du vieux chroniqueur latin.

Les Sarrasins occupaient d’abord trois contrées, une près de l’Arabie Heureuse, une autre vers l’Égypte, l’autre peu éloignée des Arabes Traconitides et du pays de Batane. Peu à peu ils sortirent de leurs confins, se mêlèrent aux Arabes et aux autres peuples leurs voisins, et finirent par donner leur nom à plusieurs nations. Ils vivaient de rapines et ne se soutenaient qu’à force de ruses ; mais vers l’an 600 de notre salut[1], au temps que l’empereur Héraclius régnait à Constantinople, naquit de leur nation, dans l’Arabie Heureuse, Mahomet, qui leur prêcha une loi nouvelle et les força de le suivre. Sous lui, ils passèrent en Médie, dans le pays des Parthes, en Syrie, en Égypte. Après lui, chassant toujours les chrétiens devant eux, ils partirent de l’Arabie Déserte, sous le règne d’Outmène, et se dirigèrent vers le couchant, sous la conduite d’Oucobo Ibnn Stafie, qui passa en Afrique

  1. L’an 599 de Jésus-Christ.