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LA SICILE.

à la tête de quatre-vingt mille Arabes, dévastant par le fer et par le feu tout ce qui se trouvait sur leur passage. Ils s’emparèrent de beaucoup de villes, assaillirent Carthage, s’en rendirent maîtres sans difficulté, et la détruisirent de fond en comble. Carthage avait été autrefois détruite par Scipion-le-Jeune ; elle avait été reconstruite par Auguste, comme nous l’apprend Suétone, et, quoiqu’elle fût beaucoup moindre, elle était encore importante quand elle fut détruite, 700 ans plus tard, par les Sarrasins. Ils agirent ainsi parce qu’il leur avait été prédit que dans cette ville naîtrait celui qui devait renverser l’empire de Mahomet.

Carthage détruite, Oucobo s’en alla avec son armée à Carveno, après avoir laissé garnison à Tunis. Muso vint après lui, passa le golfe, s’en alla à Grenade, défit Roderico, roi des Goths, entra dans le royaume de Castille, prit Tolède, et revint en Afrique, chargé d’un riche butin.

Dès-lors la domination des Sarrasins ne fit que s’étendre. Ils s’emparèrent du reste de l’Espagne, passèrent les Pyrénées, s’avancèrent jusqu’au milieu de la Gaule, pénétrèrent en Italie, assaillirent les villes, s’en allèrent jusqu’au pays de Rome, prirent la cité sainte, et la saccagèrent pendant deux jours. Ils parcoururent aussi les rives de la Dalmatie, de l’Illyrie, de l’Albanie et de la Morée, allèrent jusqu’aux bouches de l’Hellespont, et ne s’arrêtèrent qu’au Bosphore de Thrace. Ces Sarrasins étaient si formidables et si redoutés en ce temps, qu’aucune nation, ni italienne, ni espagnole, ni grecque, ni africaine, n’osait leur faire résistance. Ils vinrent donc en Sicile.

Au temps de l’empereur Constance, les Sarrasins occupaient déjà beaucoup de lieux sur le rivage de Sicile, et même dans l’intérieur de l’île. L’empereur envoya contre eux Olympe, qui était son exarque en Italie ; mais il mourut à la suite d’une bataille navale. L’empereur leva alors une grande armée pour délivrer l’Italie des Lombards. Il partit de Constantinople, où il laissa son fils Constantin, qu’il avait adjoint à l’empire, fut porté par un vent favorable en Italie, et se mit à ravager la Pouille. L’empereur alla ensuite à Naples et à Rome. À sept milles de Rome, sur la voie Appienne, il trouva le pape qui venait à sa rencontre, avec tout son clergé et une foule de peuple ; mais l’empereur n’entra pas moins dans la ville, et durant cinq jours, il ne cessa de visiter les églises, regardant toutes choses avec des yeux actifs, dit Fazello, con diligentissimo occhio andava considerando ogni cosa, et se préparant à ce qu’il avait dessein de faire. Or, ce dessein de l’empereur, c’était de dépouiller toutes les églises et