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la France et l’Europe ont reçu depuis tant de preuves, on persista dans le projet du coup d’état qu’on méditait. Le 19 juillet, par une belle nuit où la lune brillait en son plein, et ôtait en quelque sorte à cette entreprise l’air de mystère dont on l’enveloppait, les princes de Belmonte, de Castelnuovo, de Villa-Franca, d’Aci, et le duc d’Angio, furent saisis dans leurs palais, transportés à bord du paquebot royal le Tartare, et jetés dans les îles. Chacun eut sa résidence séparée, et ces barons se réveillèrent en quelque sorte, l’un dans l’exil poétique de l’île de Pantellaria, qui est l’île de Calypso, l’autre dans celle de Marettimo, un troisième dans celle d’Ustica. Les princes Belmonte et Castelnuovo furent déposés ensemble dans l’île de Favignana, l’ancienne Aeguse.

Ce coup d’état réussit mal. Le paquebot à bord duquel se trouvaient les déportés, fut rencontré par le vaisseau qui portait lord Bentinck, nommé ministre plénipotentiaire près la cour de Sicile, en remplacement de lord Amherst. Dès son arrivée à Palerme, il fit des représentations qui ne furent pas écoutées, et auxquelles la reine répondit qu’il avait été envoyé pour faire des révérences et non des remontrances. Le ministre d’Angleterre jugea à propos de repartir pour Londres, afin de faire connaître au cabinet anglais la situation de la Sicile. Lord Bentinck revint bientôt avec des instructions nouvelles, entoura Palerme de quinze mille hommes de troupes anglaises, et notifia aux ministres du roi les intentions de l’Angleterre. Le roi (ou plutôt la reine) montra un caractère décidé, et préféra quitter le gouvernement que de faire des concessions. Il se retira dans une campagne royale nommée la Ficuzza, la reine dans la villa du marquis de Santa-Croce, et le prince héréditaire fut investi, par un décret du roi, du vicariat-général du royaume, avec la clause de l’alter ego, et tous les pouvoirs usités en pareil cas. Le parlement fut convoqué ; les ordonnances de février annulées, et les barons qui avaient été déportés, rappelés de leurs îles, qui, heureusement, n’étaient pas loin. Trois d’entre eux furent nommés ministres ; on leur adjoignit le prince de Cassaro, qui est aujourd’hui ministre des affaires étrangères à Naples, et lord Bentinck fut autorisé à assister au conseil des ministres.

Ici commence l’histoire constitutionnelle de la Sicile qui s’est terminée un peu brusquement, il est vrai. Le prince royal ouvrit le parlement par un discours où l’on remarque cette phrase : « Ne montrez pas une envie immodérée d’innover, ni un attachement excessif, et, pour ainsi dire superstitieux, à de vieilles institutions et aux cou-