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vreuils et de daims. Les rives du Loch-Lomond, surtout du côté de l’ouest, sont couvertes de jolies bourgades : Rosdoe, Luss, Inveruglas, et de beaucoup de charmans cottages. À Inveruglas, le lac s’étrangle, et un pont pourrait joindre ses deux rives. À l’endroit de cet étranglement, et sur l’autre rive du lac, s’élève, au pied du Ben-Lomond, un joli bâtiment qu’on prendrait pour un château ; c’est l’excellente auberge de Rowardennan où les voyageurs de Glasgow, qui apprécient le comfort à l’égal du pittoresque, ne manquent jamais de faire une station. On part de l’auberge de Rowardennan pour faire l’ascension de la montagne. Le Ben-Lomond ne s’élève qu’à 3,190 pieds au-dessus du niveau de la mer ; auprès des Alpes ce ne serait donc qu’une colline. Aussi, quand le temps est favorable, l’ascension de cette montagne est-elle extrêmement facile, et dans aucun temps elle n’est dangereuse, comme des voyageurs, amis du merveilleux, se sont plu à le répéter. En temps ordinaire, c’est une promenade un peu fatigante, dont on peut faire cependant la meilleure partie sur le dos de petits chevaux qui gravissent lestement les pentes escarpées de la montagne. Le Ben-Lomond s’élève comme un obélisque isolé à la limite occidentale des basses-terres et des montagnes. De son sommet l’œil embrasse le panorama des deux tiers de l’Écosse, de l’embouchure du Forth et de la mer Germanique au Frith de la Clyde, et à l’Océan Atlantique ; du Ben-Nevis et des dernières chaînes des monts Grampians, dans les comtés d’Inverness et d’Aberdeen, aux montagnes du Cumberland et aux côtes bleuâtres de l’Irlande et de l’Île de Man. Du côté de l’est, on découvre une tache blanchâtre qui couvre le pied d’une colline ; c’est Édimbourg, et la colline Arthur’s-Seat ; du côté du sud, sous un dôme de vapeurs roussâtres, brillent les maisons neuves de Glasgow. Ce château, dont nous apercevons les formes confuses à nos pieds dans la plaine, c’est Stirling sur son rocher. Du côté du nord-ouest, le spectacle est plus extraordinaire encore ; la terre coupée de lacs, la mer semée d’îles nombreuses, se partagent également l’espace et y forment des découpures bizarres. Sous vos pieds, le Loch-Lomond s’étend comme un miroir qui reflète le ciel ; plus loin le Loch-Long et le Frith de la Clyde dessinent un Y. Par-delà le Loch-Long, le Loch-Fine s’allonge tortueusement dans les terres, comme un serpent bleuâtre qui semble poursuivre le Loch-Awe aux eaux plus vertes. Enfin, par-delà ces lacs et ces grands bras de mer s’étendent les terres de Jura, de Mull, d’Arran et tout l’archipel des Hébrides, dont les îles, au nombre de plus de deux cents, couvrent au loin l’Atlantique. La vue que l’on a du haut du Ben-Lomond est plus remarquable par son étendue que par sa magnificence. Ces grands bras de mer plombés, ces montagnes nues et brunes, ces collines déboisées et couvertes de bruyères rougeâtres, et la sombre végétation des plaines, donnent un aspect singulièrement triste au paysage, qu’ont peine à égayer les nombreuses habitations qu’on aperçoit sur les premiers plans.

La base du Ben-Lomond n’est guère formée que d’un immense bloc de granit rouge, de forme conique, veiné par places de schiste gris et de jaspe