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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

révolutions qui, depuis la conquête d’Édouard, avaient agité le pays : le châtelain de Dunstaffnage en avait la garde. Dans les premières années du dernier siècle, des domestiques infidèles, profitant de sa vieillesse et de sa cécité, les volèrent et les vendirent à des juifs, qui firent fondre le vieux sceptre d’argent, l’épée à poignée richement travaillée, la couronne et les autres joyaux. Il n’est resté de ces monumens curieux qu’une hallebarde, ou lochaber axe, d’une dizaine de pieds de longueur. Le travail en est remarquable, et les incrustations d’argent dont elle est ornée sont d’un goût excellent. Cette hallebarde était trop longue et trop lourde pour être facilement emportée : c’est à cette particularité seulement qu’on doit sa conservation. Plus tard M. Campbell, l’un des derniers propriétaires du château de Dunstaffnage, a trouvé, sous ses décombres, une petite statue d’ivoire représentant un roi assis sur son trône, la couronne en tête, et tenant de la main gauche un livre de lois. La figure du monarque exprime la méditation ; sa barbe est longue ; son habillement, et surtout son manteau, bordés de fourrure, ressemblent aux anciens costumes danois. Cette statue, qu’on fait remonter au ve ou au VIe siècle, c’est-à-dire au temps de la domination des Galls et des Scots dans cette partie de l’Écosse, a fort occupé les antiquaires depuis que M. Pennant en a donné une description. Tous s’accordent à la classer parmi les plus curieux monumens galliques, et cependant, nous le répétons, le costume du roi qu’elle représente n’a rien de commun avec les costumes des habitans de l’Albanie ou des Scots et des Pictes, tels que Claudien ou Tacite les ont décrits. Dunstaffnage devint, vers le XIVe siècle, la résidence des lords des Îles ; c’était à la fois leur forteresse et leur maison de plaisance. La situation en était du reste admirablement choisie ; car elle commande à la fois la belle péninsule de la haute Lorn, la terre de Morvern et les îles de Lismore, de Mull et de Kerrera.

À peu de distance du château s’élève une petite chapelle gothique d’un précieux travail. Plusieurs rois d’Écosse furent enterrés dans cette chapelle, dont le faîte, en s’abîmant, a encombré l’intérieur et recouvert les tombes d’une épaisse couche de débris. Non loin de cette chapelle, si l’on se tourne du côté d’un roc isolé qui s’élève à une grande hauteur et si l’on parle à demi-voix, on entend un écho répéter intelligiblement chaque syllabe.

Pendant que nous visitions ces curieuses ruines, le temps était redevenu serein et le vent s’était calmé ; nous retournâmes à Oban par une magnifique soirée. Oban est une petite ville très florissante. Elle doit sa prospérité à son port, qui est assez vaste et assez profond pour recevoir des bâtimens d’un fort tonnage, et à sa situation à l’entrée du Caledonian canal du côté de l’Atlantique. Oban est aussi le centre des pêcheries des lacs du nord et des îles, et des pêcheries de l’ouest ; car cette ville se trouve sur le passage des grandes migrations des harengs, des morues et des haddocks ; aussi Oban, qui n’était qu’un hameau il y a une quarantaine d’années, est-elle aujourd’hui l’une des plus jolies villes du duché d’Argyle.

Elle offre tout le comfort qui distingue les ports anglais du second ordre :