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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

Anser ? C’est que Virgile parle sous le nom de Lycidas ou sous celui de Damète ; c’est que Virgile se désigne par les personnages ou de Ménalque ou de Mopsus. Quelquefois son rôle est plus direct ; il ne se donne même pas la peine de prendre un détour ; il se dit tout simplement berger, lui Virgile.

Il est à peu près reconnu que la cinquième églogue, Daphnis, est allégorique et que Virgile a célébré la mort et l’apothéose de César, divinisé par les triumvirs en 712. On a pensé que, dans le Amavit nos quoque Daphnis, devait se trouver une allusion à quelques rapports du poète avec César. Cela ne serait point impossible. Dans le temps de son gouvernement des Gaules, César passait les hivers dans la Gaule cisalpine et pouvait connaître Virgile, qui, dès-lors avait publié le Culex et peut-être aussi l’Alexis. Ailleurs, Virgile célèbre la funeste comète, l’astre de Jules, et se donne pour l’avoir chantée dès son apparition en 710. La première églogue, le Tityre, n’est pas allégorique ; il y a seulement allusion. Virgile y est représenté par son fermier, et tout se rapporte aux évènemens de 712. Dans la neuvième, Mœris, pétition nouvelle du poète à qui les vétérans refusent encore ses biens rendus par Octave : il y est désigné sous le nom de Ménalque. Son fermier, le vieux Mœris, s’entretient de ses malheurs et de son talent avec un jeune homme des environs, Licidas, rencontré sur le chemin de Mantoue. Les satyres et les nymphes ne servent, dans la sixième bucolique, qu’à encadrer un remerciement à Varus et à Gallus, et des allusions à leurs études communes dans l’école épicurienne de Scyron. Vient ensuite une revue des poèmes didactiques dont était préoccupée l’imagination de Virgile, de celui de Lucrèce, de ceux de Gallus et autres, et peut-être aussi des siens propres. Il n’y a dans tout cela que le cadre de bucolique, plus tous les détails qui concourent à ramener la pièce à un genre dont elle s’écarte sans cesse.

L’églogue allégorique, à peu près inconnue de Théocrite, mais non peut-être de Bion et de Moschus, occupe donc une place importante chez Virgile. Un des inconvéniens de ce genre, c’est qu’on ne sait trop où commence, où finit l’allégorie. Rien ne le prouve mieux que les minutieuses explications données sur Daphnis, où il n’est pas un détail que les commentateurs n’aient curieusement et froidement rapporté à la vie de César. On a de même donné de la sixième églogue d’allégoriques explications ; les grammairiens et les annotateurs prétendent voir dans Silène Syron, dans Chromis et Mnasyle, Virgile et Varus, son condisciple, enfin dans Églé, le prin-