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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

sauvera au monde toute secousse. À ces louanges de l’empereur se mêlent celles de son fils Numérien, prince lettré, qui passait pour éloquent, et auquel, selon Vopiscus, on éleva une statue avec une inscription où on l’appelait : Orator suis temporibus potentissimus. Calpurnius renchérit hyperboliquement sur cet éloge :

…… Maternis causam qui lusit in ulnis.

Les vers de Faune déchiffrés, Ornitus et Corydon les chantent bucoliquement en s’accompagnant de leur flûte. Nous voilà revenus à l’églogue, mais nous n’y restons pas long-temps. Le dernier vers exprime l’espoir du poète, qui compte sur Mélibée, c’est-à-dire sur son noble patron, pour porter ses vers à l’oreille d’Auguste :

Augustas feret hæc Melibœus ad aures.

Calpurnius, dans sa septième pièce, célèbre une fête donnée au peuple romain, probablement par Carin, chargé du gouvernement de l’Occident, en l’absence de son père et de son frère, partis pour une expédition contre les Perses. Cette pièce n’est point allégorique ; mais, comme plusieurs églogues de Virgile, elle fait allusion à des faits contemporains et d’une façon ingénieuse, qui, n’en déplaise à Wernsdorf, n’a rien de contraire à la nature de l’églogue. Il est fort permis de conduire les pasteurs à la ville ; un des bergers de Théocrite se plaint des dédains de la courtisane Eunice qu’il y a rencontrée. Le Tityre de Virgile a vu Rome et en cause avec Mélibée. Ainsi fait Calpurnius. Lycotas, un de ses bergers, s’étonne de la longue absence de Corydon qui a été voir les jeux donnés par César. Corydon raconte ce qu’il a vu ; il décrit l’amphithéâtre dans des vers qui, comme beaucoup d’autres de cette pièce, sont curieux pour les antiquaires et ont donné lieu à bien des dissertations ; il compare la forme de cet amphithéâtre, objet nouveau pour lui, à celle d’un vallon compris dans une enceinte de collines, comparaison toute bucolique, puis il entre dans les détails de toutes les magnificences, de toutes les raretés du spectacle ; il énumère tous les animaux curieux qui y ont figuré. Un vieillard, témoin de sa stupéfaction, lui disait : « Il est tout simple qu’un paysan soit étonné de ces merveilles ; moi-même, vieilli à la ville, je n’y vis jamais rien de semblable. » Heureux Corydon ! s’écrie Lycotas, que son âge a retenu aux champs, heureux Corydon ! mais as-tu vu ce qu’il y avait de plus curieux, les dieux eux-mêmes ? Ces dieux, c’est le prince ordonnateur, héros de la fête, et Corydon, c’est le poète qui le complimente.